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dimanche 2 octobre 2011

Païens ?

                                                 

            Il y a quelque temps, lors du décès d’un politicien de grand renom estimé et vénéré de tous pour ses ambitions de faire de son pays une société juste et donner une voix aux démunis, des milliers de personnes tenaient à lui rendre un dernier hommage. Aussi, spontanément, des centaines d’entre elles se massaient à l’extérieur des lieux où il avait siégé et débattu de sa grande vision d’avenir pour ses concitoyens, afin de déposer fleurs, messages de sympathie et autres attestations de leur admiration et de leur respect à l’égard de cet homme politique bien-aimé.
            Alors que la télévision et la presse écrite multipliaient les comptes rendus de l’événement, et que grossissait d’heure en heure l’amoncellement temporel des témoignages d’affection et de reconnaissance laissé sur place par la foule éplorée, j’étais frappé tout à coup par le côté hétéroclite de certains des objets abandonnés sur la pelouse des lieux en guise de marques de sympathie. Outre les messages de toutes sortes adressés en hommage au vénéré défunt, les nombreux petits drapeaux unifoliés, les fleurs offertes en abondance, les lanternes et lampions de toutes sortes créés pour certains à partir de bocaux pour poissons ou de lampes servant à éloigner les mouches, on pouvait voir jusqu’à des canettes d’eau gazeuse et des bouteilles de jus d’orange.   
Ce qui n’était pas sans me rappeler un certain décès au cours duquel j’avais pu voir de mes propres yeux une proche du défunt glisser dans son cercueil, à l’insu de tous, une bouteille de vieux cognac dont, semble-t-il, le disparu avait rêvé toute sa vie. De même, une personne de mes connaissances affirmait avoir bien spécifié dans son testament qu’elle désirait, au jour de sa mort, voir ses cendres mêlées à celles de son chien idolâtré. Si celui-ci était toujours vivant lors de son décès, ordre était donné de l’euthanasier. Dans le même ordre d’idée, lors d’une émission télévisée consacrée aux cinquante ans de vie artistique d’un chanteur de charme reconnu comme l’idole de toute une génération de femmes, l’une d’entre elles faisait étalage d’une imposante collection de photographies dédicacées de sa vedette adorée, tout en prenant soin de préciser que ces photographies étaient destinées à l’accompagner dans l’au-delà, au jour du grand voyage, un compartiment de son cercueil ayant été spécialement aménagé à cet effet.
« La mort est un processus qui gagne de proche en proche », écrivait un auteur célèbre. Mais qu’en est-il de toutes ces nouvelles exigences et façons de faire avec le repos de la tombe qui elles aussi gagnent de proche en proche avec un peu plus d’audace et d’irrévérence à chaque année, dans notre monde occidental ? Aurions-nous si peur de mourir, que nous en serions maintenant réduits à faire de la fin d’une vie humaine un spectacle au cours duquel se multiplient à l’infini les représentations d’une vie après la mort aussi imaginaires qu’illusoires ? En un mot, d’imaginer le défunt en train de poursuivre son activité préférée à loisir pour une éternité bienheureuse, en prenant soin de faire étalage autour de son cercueil des objets rituels ayant servi à ce culte, serait-il devenu une nouvelle façon d’apprivoiser la mort ?
Les thanatologues chargés d’étudier les aspects biologiques et sociologiques de la mort sont confrontés à une nouvelle réalité : les proches du défunt exigent de plus en plus que leur cher disparu soit entouré en chapelle ardente des objets fétiches qu’il vénérait de son vivant. Ainsi, l’un ira à son dernier repos revêtu de son plus beau costume western pour souligner sa passion de l’équitation, la photo de son cheval de même que la selle ayant servi à monter ce dernier trônant fièrement sur le pied de son cercueil, pendant qu’une musique country jouera en sourdine pour recréer l’atmosphère personnelle que le défunt propageait autour de lui en pratiquant son loisir favori. Un autre aura spécifié de son vivant que le rituel relevant de ses croyances religieuses se fasse entre les murs de son club de golf préféré, avec tous les symboles de sa passion étalés autour de sa bière. De même, une telle s’en ira en terre avec sa collection d’objets cultes des Beatles amassée avec un engouement idolâtre tout au long de sa vie. Tartempion, quant à lui, aura précisé dans son testament vouloir être conduit à son dernier repos à bord de sa vieille Cadillac décapotable 1963, et même d’être enterré à son bord, tant il lui vouait un culte dévorant. Et je m’arrête là, parce qu’on pourrait multiplier à l’infini ces exemples d’une dégradation de nos mœurs mortuaires traditionnelles.
Quand les Romains prirent pied en Germanie à la suite de Jules César, ils furent pour le moins étonnés, pour ne pas dire même horrifiés par certains des aspects du rituel funéraire entourant le décès des chefs guerriers barbares. Tout ce qui avait fait partie du quotidien du prestigieux combattant l’accompagnait dans son voyage vers l’au-delà. Non seulement regroupait-on autour de son bûcher funéraire ses casques, boucliers, épées, lances, tenues d’apparat et autres symboles témoignant de sa haute lignée, mais également son cheval de bataille, ainsi que les esclaves de sa suite et jusqu’à sa dernière épouse. Si celle-ci était consentante à donner cette dernière preuve d’amour à son conjoint, au moment d’allumer le bûcher préparé pour la dépouille du trépassé, la veuve était précipitée au milieu des flammes à l’instar du cheval, des esclaves et de tout le reste des possessions du disparu, l’inconsolée ayant le pouvoir d’ouvrir les portes de l’au-delà à son valeureux conjoint. C’est ainsi que ce sanglant sacrifice de caractère religieux pouvait entraîner dans la mort une centaine de malheureuses victimes, à certaines occasions.
Exemple extrême me direz-vous, je vous l’accorde. Néanmoins, Voltaire écrivait : « Si nos peuples nouveaux sont chrétiens à la messe, ils sont païens à l’Opéra. » Serions-nous en train de le devenir également dans nos mœurs funéraires, tant nos rites religieux s’imprègnent de plus en plus à notre insu d’actions impies..? Païens?

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