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lundi 24 octobre 2011

La princesse et la petite sœur

La princesse semblait avoir tout reçu en héritage de la vie : grâce, beauté, intelligence, fortune, honneurs, célébrité, et j’en passe. Fille d’un compte dans un pays où la monarchie jouait encore un rôle de premier plan au sein de la nation, elle avait eu le grand bonheur, à peine sortie de l’adolescence, de capter l’attention du prince héritier de la couronne. Ce dernier ne tardant pas à lui dévoiler sa flamme, il avait suffi de quelques mois de fréquentation ultra médiatisés pour que l’idylle royale connaisse la fin rêvée de tous les contes de fée. Cendrillon avait consenti à accorder sa main à son beau prince, et l’union du couple avait été célébrée en grande pompe dans une prestigieuse cathédrale de la capitale du pays. Un événement qui avait été couvert par la presse écrite et télévisée du monde entier, et qui avait attiré des centaines de milliers de personnes sur le passage du couple princier.
Née pour sa part quelques dizaines d’années plus tôt dans un pays aujourd’hui éclaté, au sein d’une famille pieuse et une communauté paroissiale fervente, la petite sœur était encore au seuil de l’adolescence lorsqu’elle avait su pour la première que sa vocation serait auprès des pauvres. De petite taille et n’ayant reçu ni grâce ni beauté à sa naissance mais une grande force d’âme, à l’âge de dix-huit ans elle avait quitté son foyer pour se faire religieuse, en vue de devenir missionnaire en pays de mission. Quelques années plus tard, le rêve de la petite sœur se réalisait enfin : par une chaleur torride elle débarquait dans un pays du bout du monde où les démunis, les malades abandonnés à leur sort et les mendiants vivant et dormant à même la rue se comptaient par dizaines de millions.
De son côté, dès les débuts de sa nouvelle vie, la « princesse cendrillon » avait continué de susciter l’intérêt de ses sujets. Le bon peuple adulait cette femme généreuse et simple à la beauté rayonnante. Et ce qui ne gâtait rien, elle menait de grands combats au profit de nobles causes. Ambassadrice de talent vêtue avec recherche et simplicité, elle attirait les regards de la presse du monde entier dans les moindres de ses déplacements. Profitant de cette tribune exceptionnelle pour sensibiliser les populations du globe aux causes qu’elle embrassait, elle voyageait et militait pour les lépreux, les sans-abris, les réfugiés, les femmes, les malades du sida. Son altruisme l’amenait même à faire campagne contre les mines antipersonnel en Angola et en Bosnie. Pas un déplacement, pas une prise de position qui n’étaient pas médiatisés à travers le monde.
Mais durant tout ce temps, son couple battait de l’aile, défrayant la chronique et alimentant les spéculations et les ragots de nombreuses publications tabloïd. Les rumeurs de séparation allant bon train, finalement le merveilleux conte de fée des deux époux princiers se terminait par un divorce. Ses apparitions officielles se faisant moins fréquentes avec cette séparation, la princesse, qui avait refusé d’abdiquer et demeurait une mère exemplaire pour ses deux fils, n’en poursuivait pas moins son implication auprès des laissés-pour-compte, notamment au profit des victimes du sida pour qui elle mettait sur pied un puissant fond d’entraide.
À l’autre bout du monde, alors qu’elle aurait certainement aimé passer inaperçue, décennie après décennie, la petite sœur continuait de poursuivre inlassablement son œuvre de charité. Ne pouvant pas toujours cacher son travail auprès des plus pauvres des pauvres, bien qu’elle ne s’attribuait jamais le mérite de ce qu’elle accomplissait, l’humble servante de Dieu était devenue au fil des ans une icône de la compassion aux yeux des gens de toute religion. À la tête d’une congrégation de missionnaires charitables qu’elle avait fondé au début des années cinquante, son dévouement extraordinaire auprès des malades, des mourants et des multitudes d’autres déshérités de son pays de mission était maintenant reconnu et acclamé dans le monde entier.

Si bien qu’en 1979, la petite sœur recevait le prix Nobel de la paix en reconnaissance de l’immensité du travail qu’elle avait accompli au profit des rejetés de ce monde, son œuvre dépassant à présent largement le cadre de sa lointaine terre de mission, puisque sa congrégation comptait maintenant des communautés établies dans une quinzaine de pays.
Les années passant, des gens de toutes confessions et de tous horizons apprenaient à reconnaître en nombre toujours croissant l’immensité du désintéressement de l’amour et de la compassion de la petite sœur des pauvres. Attirés par la joie et la paix dont elle rayonnait, tous ceux qui la rencontraient étaient fascinés par la simplicité et le dépouillement de sa personne, marqués à jamais par la grâce qui l’habitait et la profondeur de son regard. Jusqu’à ce jour de septembre 1997, où le monde apprenait avec tristesse et chagrin que la vie terrestre de celle qui avait apporté tant de lumière aux hommes s’était éteinte à jamais.
Presque aux mêmes heures, à des milliers de kilomètres de là, la princesse qui après son divorce avait continué à alimenter régulièrement les spéculations des publications tabloïd du fait d’une vie amoureuse secrète et d’une nouvelle idylle avec un célèbre play-boy richissime, connaissait une fin tragique, suite à un funeste accident de voiture. La dramatique information, aussitôt connue, était diffusée à la une des chaînes de presse du monde entier, semant partout émoi et consternation et relayant loin derrière la triste nouvelle du décès de la petite sœur des pauvres.
Comme si la vie elle-même s’était arrêtée, les grande chaînes d’information multipliaient sans fin les reportages montrant des gens éplorés cherchant à se consoler mutuellement, pendant que les messages de sympathie affluaient par dizaines de milliers au palais des souverains régnants. Aux grilles d’entrée du château, les gerbes de fleurs, les animaux fétiches en peluche et les bougies et lampions de toutes sortes témoignant de la douleur de tout un peuple s’entassaient sur près d’un pâté de maisons. Le pays tout entier était plongé dans le deuil.
Pareille douleur ne pouvant s’exprimer que dans le grandiose, des funérailles d’état étaient décrétées. Rien de moins que l’abbaye la plus prestigieuse du pays pour en célébrer le culte religieux, lieu si sacré que presque tous les rois de la nation y avaient été couronnés. Des ambassadeurs et des représentants de tous les pays du monde assistaient à l’auguste cérémonie, afin d’accompagner dans la douleur la famille de celle qui allait être désormais connue sous le nom de « princesse des cœurs », pendant que la presse télévisée des quatre coins du globe en retransmettait tout l’apparat dans les foyers.
De la petite sœur des pauvres devenue la figure emblématique de la compassion agissante auprès des miséreux de notre monde, la même presse de l’image consacrait de courts reportages au lendemain de sa mort, montrant sa dépouille reposant sur un lit de fleurs et portée à bras d’hommes dans sa terre d’adoption vers le lieu de sa sépulture. Parmi les nombreux témoignages traduisant de la douleur de la multitude de déshérités pour qui elle n’avait eu que des bontés tout au longe de sa vie, une des innombrables banderoles déployées par ses fidèles reconnaissants proclamait : « Mère, vous avez été une source de lumière dans ce monde d’obscurité ».
Aujourd’hui, alors que nous sommes entrés dans le 21e siècle depuis plus d’une décennie déjà, en dépit du passage du temps, un certain culte du merveilleux est toujours entretenu autour du décès tragique de la princesse des cœurs. On se rappelle bien ici et là, le temps d’un article dans la presse écrite ou d’une émission télévisée, de certains de ses gestes caritatifs à l’égard de causes humanitaires qui lui tenaient particulièrement à cœur, et dont d’autres de ses partisans ont repris le flambeau.
Pour leur part, la vie et le message de la petite sœur des pauvres continuent toujours de fasciner. Bon an mal an, à eux seuls, plus d’un milliard trois cents millions de consultations médicales attestent mieux que tous les mots des bienfaits des quelque mille cinq cents unités médicales ambulantes qu’elle a mises sur pied au cours de sa vie, afin de venir en aide aux gens privés de soins médicaux dans sa terre d’adoption. Et la congrégation de ses Missionnaires de la Charité qu’elle laisse derrière elle poursuit inlassablement son œuvre d’humanité au milieu de nombreux bidonvilles de notre monde.
Le recueil des témoignages et documents en vue du procès en canonisation de la petite sœur maintenant béatifiée révèle des profondeurs de sainteté jusqu’ici inconnues. Des confidences qui pourraient très bien la mettre au rang des grands mystiques de l’Église. Étrangement, c’est au moment où la capitale de son pays d’adoption était plongée dans l’obscurité suite à une panne d’électricité majeure que la bienheureuse s’éteignait, elle qui avait apporté tant de lumière à ses habitants et au monde entier.
Cela ne pourrait-il pas être perçu comme un appel à reprendre le flambeau à sa suite ? Partout autour de nous la misère est infinie. En s’impliquant, ne serait-ce que pour apporter à notre tour notre modeste collaboration au plus humble des actes de compassion, si négligeable cet acte puisse-t-il sembler, c’est de l’amour de Dieu lui-même dont nous rayonnons à l’instant que nous posons ce geste fraternel de solidarité à l’égard de notre semblable, contribuant dès lors, malgré l’insignifiance de cette modeste action, à faire reculer l’obscurité qui enténèbre notre monde !

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