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mardi 11 octobre 2011

Le bonheur

                                                  

         Assis dans le jardin de sa coquette petite maison qu’il avait mis des années à améliorer sans cesse afin d’en faire le lieu de retraite idéal pour ses vieux jours, l’homme regardait avec envie les luxueuses résidences de son voisinage qui en quelques années avaient poussé comme des champignons. Des maisons de ville cossues, tout en pierres de taille, avec jardins à l’anglaise pour certaines, plus classiques pour d’autres, l’une d’entre elles trônant même au milieu d’un aménagement paysager à la japonaise. Toutes rehaussées encore de patios, piscines, dépendances et garages doubles. Les voitures rutilantes garées fièrement à l’entrée de ces maisons venaient témoigner de façon éclatante de l’apparente aisance financière des maîtres de ces lieux.
            Alors que notre rêveur laissait courir son regard de l’une à l’autre de ces résidences de rêve depuis un moment déjà, un petit homme contrefait qui avait tout du nabot et qui déambulait tranquillement au long des trottoirs s’arrêtait à sa hauteur.
           -- Je sais de quoi vous rêvez, monsieur, lui dit-il d’entrée de jeu, avec un grand sourire malicieux déridant son visage de gnome espiègle. Et je peux combler vos rêves, si ça vous chante.
            Surpris, pour le moins décontenancé, le propriétaire des lieux répondait à notre visiteur par une boutade :
            -- Ah ! oui, vous êtes voyant ? Et vous pouvez exaucer les rêves par surcroît ? Moyennant quoi comme déboursé ? C’est quoi votre salade ?
               --  Je ne suis pas voyant, même si je lis dans les cœurs, vois l’avenir et connais le passé. Et je n’ai rien à vous vendre, rassurez-vous. Mais je sais que vous rêvez de posséder une maison de prix et une voiture de prestige. Toutefois, vous n’avez pas les moyens financiers de vous payer pareil rêve. Néanmoins, je peux vous offrir tout cela… Ce n’est pas une blague… J’ai bien le pouvoir d’exaucer votre désir, si cela peut vous rendre heureux. 
                --   Chiche, que vous n’en êtes pas capable ! répliqua notre homme sur un ton goguenard.
             --  Il ne faut jamais me mettre au défi, dit le nabot avec un étrange sourire, la voix doucereuse, reprenant tranquillement sa marche comme si de rien n’était. Si j’étais vous, je commencerais à emballer mes affaires dès maintenant, ajoutait-il par-dessus son épaule. Car il vous reste peu de temps à demeurer ici !
            Amusé par cette rencontre, l’homme s’empressait d’en raconter les détails à sa femme sur l’heure. Mais celle-ci trouvant la chose nullement drôle s’inquiétait plutôt à l’idée qu’un esprit aussi dérangé puisse se promener ainsi en toute liberté, sans la moindre surveillance. Trois jours plus tard, alors que l’épisode était déjà oublié, une surprise de taille attendait les deux époux. Un huissier se présentait à leur porte pour leur remettre en main propre une notification leur enjoignant de se présenter sans tarder au cabinet de « maître Untel, notaire. »
             -- C’est pas vrai, pincez-moi pour être sûr que je ne rêve pas ! laissait échapper notre homme dans un cri à son arrivée chez le notaire, alors que ce dernier lui présentait un acte notarié en bonne et due forme lui signifiant qu’il était désormais l’heureux propriétaire d’une nouvelle maison estimée à tout près d’un million de dollars, à un coin de rue de son actuelle résidence.
            Et la nouvelle demeure ne venait pas seule. Question de standing, une voiture de grande marque l’accompagnait.
            Le seul hic, c’est que l’acte de propriété de la somptueuse résidence était assorti d’une clause stipulant aux heureux propriétaires qu’ils n’auraient pas droit de revendre leur nouvelle maison avant vingt ans. Et il en était de même pour leur nouvelle voiture. Ils devaient s’en satisfaire jusqu’au jour où elle serait bonne pour la casse. Quant à leur ancienne maison, l’acte notarié spécifiait encore que le couple devait la donner en échange de sa nouvelle demeure.
            Tout à leur bonheur d’être l’objet d’un tel présent, l’homme et la femme ravis jusqu’à l’extase signaient les documents qu’on leur présentait les yeux fermés, tant ils étaient sûrs de vivre un véritable conte de fée. Et dans les jours qui suivaient, laissant tout derrière eux de leur ancienne chaumière où ils y avaient coulé une vie heureuse, ils aménageaient dans leur nouveau palace déjà décoré et meublé selon la dernière tendance.
            Un an plus tard jour pour jour, alors que notre homme, l’air harassé et la sueur au front trimait dur à débarrasser de ses mauvaises herbes une superbe rocaille de sa nouvelle propriété dont les fleurs étouffaient sous l’envahissement du chiendent, soudain une voix familière l’interpellait derrière son dos :
             -- Heureux de vous revoir, cher monsieur..! À ce que je vois, le travail ne manque pas… Satisfait de votre nouvelle propriété ?
             -- Vous ! répondit notre homme, à la fois surpris et vivement contrarié en découvrant l’identité de son visiteur. Vous avez le culot de vous représenter devant moi après ce vous m’avez fait ?
            -- Je vous rappelle, mon bon monsieur, que je n’ai fait qu’exaucer votre souhait de posséder cette maison de rêve. Rien de plus. Quand je vous ai dit que j’avais ce pouvoir de combler vos désirs, vous m’avez mis au défi de m’exécuter… Si quelque chose ne va pas, vous ne devez vous en prendre qu’à vous. Je n’y suis pour rien.
  -- Pour rien, ah ! oui ? Vous m’avez leurré..! Cette maison et tout ce qui vient avec elle, c’était un marché de dupe..! Avez-vous une idée de ce que ça me coûte par année, juste en électricité, en taxes et en chauffage pour demeurer ici ? Et je ne parle pas des autres déboursés de toutes sortes, comme les assurances qui me coûtent quatre fois plus cher qu’avant, l’air conditionné l’été, l’entretien de la piscine, les frais de son chauffe-eau, des produits chlorés pour son eau, sans oublier tous les autres coûts reliés à l’aménagement des huit rocailles de la maison, l’achat des fleurs, des engrais à jardin, le coût des soins à apporter au gazon, le déneigement l’hiver de toute cette immensité, cette limousine qui siphonne comme un camion et qui carbure évidemment juste au « super », sans compter ses autres frais d’entretien… Ça ne finit plus ! Des comptes à payer, en veux-tu en v’là..! Et le pire, c’est que je passe mon temps à essayer de tout faire par moi-même pour essayer de réduire les coûts ! L’autre propriétaire avant nous pouvait se payer un jardinier et un homme de maintenance, mais nous on n’en a pas les moyens. Rendu à la fin du mois, c’est à peine s’il nous reste de quoi dans nos poches pour se payer une bouteille de vin ! Ma femme et moi on ne s’était jamais disputé avant cela. Maintenant, on se chicane sur tout, à cause de nos problèmes d’argent..! On a passé un marché de dupe avec vous ! Vous nous avez roulé..! Si c’est ça le bonheur que vous avez à offrir aux gens, vous devriez le garder pour vous !
-- Vous ne m’avez pas demandé de vous apporter le bonheur que je sache, répliqua le petit homme avec une moue malicieuse. Votre vœu secret, c’était de posséder une maison cossue et une voiture de grand luxe. C’est à vous qu’il faut vous en prendre, pas à moi, si vous avez fait un mauvais choix. Auriez-vous choisi le bonheur comme voeu, que je n’aurais pas eu à l’exaucer…
-- Ah ! oui, s’exclama notre homme avec un visage étonné. Pourquoi donc ?
-- Tout simplement parce que vous l’aviez déjà, là où vous demeuriez !


1 commentaire:

  1. C'est une très belle histoire. Vous le dites si bien : Le bonheur est à portée de main, il n'est pas nécessaire d'aller le chercher dans le jardin du voisin.
    Marie-Thérèse

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