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lundi 25 juillet 2011

Le cheval de Troie


    


Tout cela avait commencé comme une blague, un bon tour à jouer à Thomas, un employé modèle que ses confrères de bureau du service de la comptabilité trouvaient un peu trop réservé dans sa conduite, face aux libertés que ces derniers s’octroyaient discrètement sur leurs ordinateurs personnels, avec les sites pornos de l’Internet, lors de leurs pauses repas. Pourtant, ce que les collègues de travail de Thomas ignoraient, c’est que l’homme n’agissait pas ainsi pour des raisons de morale ou parce qu’il était particulièrement vertueux. Thomas éprouvait plutôt une faiblesse compulsive pour toutes les formes de représentations de l’obscénité. Une faiblesse dont il avait mis des années à dominer la pulsion, par seul contrôle de lui-même. Ainsi, à son domicile, par crainte de succomber à la tentation de se balader d’un site pornographique à l’autre sur l’Internet, il s’était interdit de posséder un ordinateur, privant du même coup sa famille de ce précieux outil de travail, de recherche et d’information.
Mais quelle était donc cette bonne farce que les compagnons de travail de Thomas lui avaient jouée, un beau midi, à l’heure de sa pause repas, pour souligner son anniversaire de naissance? Alors que Thomas ne se doutait de rien, entouré de toutes parts par ses amis et collègues qui se relayaient pour lui souhaiter une joyeuse fête- il venait d’avoir quarante ans-, un petit futé, au sein du groupe, s’emparait à son insu des commandes de son ordinateur de bureau. Passant vitement celui-ci en mode Internet, il filait tout droit sur un site porno préalablement choisi, puis hurlait à la ronde un tonitruant « bonne fête, Thomas! » À ces mots, comme par magie, apparaissait à l’écran une superbe créature aussi nue qu’à sa naissance qui était à chevaucher allégrement un jeune et vigoureux étalon issu des « haras » des maîtres du cinéma pornographique, avec les mots « happy birthday » peints bien en évidence sur sa croupe rebondie.
Rougissant brusquement jusqu’aux oreilles devant cette obscène « carte de bons vœux » qui avait déclenché un immense éclat de rire autour de lui, Thomas, le cerveau en feu et n’arrivant pas à détacher ses yeux de l’écran de son ordinateur, avait fini par remercier gauchement tout le monde autour de lui pour cette originale façon de souligner son anniversaire, et les choses en étaient restées là. Du moins, en apparence. Car dès le moment où il s’était retrouvé seul dans son bureau, il avait noté en hâte l’adresse du site en question et, le lendemain midi, à l’heure de sa pause repas, il y était retourné en douce pour se régaler des charmes généreux de sa « carte de bonne fête ».
Incapable dès lors de se ressaisir, Thomas prenait pour habitude, à compter de ce jour, et ce malgré une défense expresse de son employeur d’utiliser l’équipement informatique à des fins personnelles, de s’enfermer dans son bureau à l’heure de sa pause repas du midi, afin de se délecter de tout ce qu’il pouvait trouver comme obscénités en naviguant au milieu des sites pornos de la Toile. Ses vieux démons avaient retrouvé tous leurs droits dans son esprit. Et comme cette brève heure de repos ne suffisait bientôt plus à rassasier sa curiosité malsaine, quelques semaines plus tard il faisait l’acquisition d’un ordinateur portable, prétextant auprès des membres de sa famille une charge de travail grandissante. Heureusement, plaidait-il, grâce à la technologie informatique, il allait pouvoir s’acquitter de cette tâche à la maison.
Poursuivant sur sa pente glissante, Thomas en venait rapidement à passer ses temps libres enfermé dans le bureau de son domicile, cloué devant l’écran de son portable. Et là, le regard fixe, la bouche desséchée, les oreilles rouges, le cœur lui battant la chamade par moments tant son penchant effréné pour la luxure lui faisait rechercher toujours plus d’émotions fortes dans sa quête d’obscénités, progressivement il commençait à vouloir partager ses fantasmes sexuels avec d’autres internautes de sexe opposé. Désormais, il ne voulait plus rester seul dans son coin à rêvasser en voyeur solitaire devant ses coupables petits plaisirs. Il voulait trouver une compagne délurée qui aurait part en même temps que lui aux obscènes représentations de son vice caché, dans l’espoir bien avoué de susciter chez elle des réactions complices. En un mot, échanger avec une compagne de débauche susceptible de partager ses fantasmes sexuels les plus délirants.
Six mois plus tard, après une quête frénétique sur la Toile qui l’avait amené à découvrir enfin cette complice libidineuse tant recherchée, inconscient des dangers auxquels il s’exposait ce faisant, Thomas prenait rendez-vous en cachette avec sa correspondante. Prétextant auprès de sa femme devoir s’absenter pour le week-end en raison d’un congrès important, c’est ainsi qu’après deux bonnes heures de route d’un voyage éprouvant en raison de l’excitation de l’inconnu, il découvrait à son arrivée en « terre étrangère » celle qui se cachait derrière ses sulfureux échanges de courriels. Une libertine à la beauté du diable et à la crinière étalée sur le dos qui avait tout de la perfection d’une statue, mais aussi la froideur. Nue sous un collant de danseuse qui lui conférait l’air d’une bête précieuse et fantasque, Thomas était totalement subjugué par cette rousse au teint d’opaline et aux yeux mi-clos qui dissimulaient un regard d’ogresse, ne voyant rien d’autre que la ravageuse beauté de sa complice.
Plongé dans une ivresse sexuelle proche de l’aliénation, tout ce week-end Thomas n’avait quitté le lit de la ravageuse que pour mieux s’y replonger, expérimentant avec elle les profondeurs de ses fantasmes les plus osés, vivant l’épanchement de toutes ses ardeurs. Elle était l’Amour, il était le miroir! Et ô bonheur suprême, la passion de l’heureux homme était partagée en retour par sa complice. Pendue à son cou pour mieux l’emprisonner et le dévorer de baisers goulus, elle lui déclarait d’une voix languissante et avec un air de ravissement ineffable, que désormais elle ne vivrait plus que dans l’attente de le revoir, que sans sa présence à ses côtés, elle restait vide, béante, incomplète, informe. Sans le savoir, Thomas était désormais sur la pente de sa ruine.
En quelques mois de ce régime érotique torride, devenu l’ombre de lui-même tant au plan physique qu’au plan moral et appauvri de plusieurs milliers de dollars- pareille flamme ne pouvant demeurer allumée qu’avec une mèche confectionnée à partir de billets de banque sans cesse renouvelés- Thomas vivait des heures sombres à son foyer comme à son travail. Multipliant mensonge sur mensonge auprès de sa femme et de son employeur pour justifier ses absences de plus en plus fréquentes- sa coûteuse flamme lui rappelant sans cesse dans ses échanges de courriels brûlants à quel point « elle restait vide, béante, incomplète et informe » quand il n’était pas là pour partager sa couche-, Thomas avait même commencé à détourner des fonds des coffres de son employeur en trafiquant certaines données des livres comptables, afin de satisfaire son besoin inassouvissable d’argent.
Totalement inconscient que ce n’était qu’une question de temps dorénavant avant qu’il ne chute au plus profond du gouffre- d’époux fidèle et loyal qu’il était auparavant il était devenu un mari adultère, fourbe, menteur, hypocrite et voleur-, Thomas faisait la culbute définitive quelque temps après cela. Apprenant sa sulfureuse liaison entretenue à grands frais pour une bonne part avec les économies du couple, sa femme demandait le divorce. Une séparation qui lui coûtait sa maison et la plus grande partie du reste de ses avoirs, en raison de l’abondance de ses dettes à payer. Et cela, c’était sans compter les généreuses pensions alimentaires qu’il s’engageait à verser pour ses deux jeunes enfants, jusqu’à leur majorité.
Un malheur n’arrivant jamais seul, alors que Thomas était encore étendu au plancher, complètement knock-out, son employeur découvrait ses fraudes comptables. Mais comme son patron était du genre compréhensif, par égard pour la famille de Thomas, il passait un accord à l’amiable avec son employé, afin de lui éviter une dénonciation en justice. En échange, le fraudeur devait se départir de ses derniers biens pour rembourser les sommes d’argent détournées. Désormais le cercle de la roue était complété. Se retrouvant à la rue et sans emploi, Thomas ne pouvait pas chuter plus bas. Il pataugeait maintenant dans une misère et un dénuement semblables à ceux que Job avait connus dans la Bible.
Des mois plus tard, alors que le malheureux se questionnait sur la façon dont il en était arrivé à connaître pareille descente aux enfers, force lui était de reconnaître que tout cela avait commencé le jour où ses collègues de travail avaient fêté ses quarante ans. Sa sulfureuse « carte de bonne fête » avait été pour lui son cheval de Troie. Par elle, l’ennemi s’était introduit dans sa forteresse, puis l’avait lézardée jusqu’à sa chute!
« Lorsque l’esprit immonde sort de l’homme, il se met à parcourir les lieux arides en quête de repos et il n’en trouve point. Alors il se dit : Je vais retourner dans ma maison d’où je suis sorti. Il arrive et la trouve vide, bien propre, ornée. Alors il va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui, et ils rentrent et ils y font leur demeure. Et l’état final de cet homme est pire que le premier. » (Matthieu Chap. 25. Vers. 43-45)

mercredi 20 juillet 2011

Un cauchemar affreux





Épouvantée, terrifiée au point d’être trempée de sueur, Marie se réveille en pleine nuit en poussant un cri horrifié. Elle vient d’être victime d’un cauchemar atroce, si effrayant que pendant un moment elle se demande sérieusement si elle n’a pas été transportée en rêve dans un autre monde. Car ce qu’elle vient de vivre est si épouvantable, qu’il est impossible que cela ait pu se produire ici-bas. Incapable de se rendormir tant elle est encore bouleversée par ce qu’elle vient de vivre, Marie se lève et se prépare un café, afin de forcer sa mémoire à lui restituer l’essentiel de son rêve, tant elle est sûre que ce cauchemar n’est pas sans signification pour elle.
            Se replongeant dans son rêve effrayant, c’est ainsi que Marie voit une vingtaine d’êtres sans visages, bardés d’armes, intercepter un joyeux cortège de parents et amis regroupés en convoi à bord d’une dizaine de véhicules et qui font escorte à un couple de mariés. Rapidement, les assaillants séparent les femmes, les hommes et les enfants, puis violent toutes les femmes, sous les regards horrifiés de leurs conjoints, parents et amis. Ivres de rage et de sang, les attaquants accrochent ensuite un poids autour du cou de chacun des quinze enfants participant à la noce, puis jettent leurs jeunes victimes dans le fleuve qui coule tout à côté. Poursuivant leur œuvre de mort, les immondes brutes violent la mariée sous les yeux de son époux, puis exécute ce dernier d’une balle dans la nuque, faisant de même avec tous les hommes qui assistaient au mariage. Quand, à la fin, rassasiés de leurs crimes odieux, les assassins décident de se retirer, il leur faut encore couper la poitrine de la mariée et la laisser se vider de son sang jusqu’à ce que mort s’en suive, pour être complètement assouvis.
C’était à ce moment précis que Marie s’était réveillée de son horrible cauchemar, alors que les ignobles créatures dont on ne voyait que la bouche haineuse étaient à se pourlécher, tels des fauves venant de se ruer à la curée et encore tout souillés du sang de leurs victimes. Comment son esprit avait-il pu être le siège de pareille horreur, Marie n’en savait rien, ignorant tout des causes possibles de ce rêve effrayant. D’autant plus qu’elle elle n’était pas une adepte des films d’épouvante.
Ce n’était qu’au matin, au lever du jour, que Marie avait commencé à comprendre ce que signifiait vraiment les paroles de Green, quand il écrivait: « Dans la nuit, l’homme s’efface, n’est plus que la conscience de son inconscient. » Comme son travail d’infirmière au service des urgences d’un hôpital régional exigeait d’elle d’interrompre ses activités et de rappliquer en toute hâte lors d’interventions médicales urgentes, Marie avait été rappelée au bloc opératoire en catastrophe la veille au midi, suite à un grave accident de la circulation, ce alors qu’elle était à prendre son repas à la cafétéria de l’hôpital. Et étant donné qu’elle avait pour habitude, tout en mangeant, de parcourir les dernières nouvelles du jour dans un grand quotidien du matin mis à la disposition du personnel, et que son attention avait été requise par un article de presse qui l’avait particulièrement remuée, elle avait demandé à un des employés de la restauration de lui mettre le journal de côté pour le lendemain, afin de pouvoir en compléter sa lecture.
Se remémorant tout à coup sa bouleversante lecture interrompue de la veille, Marie avait enfilé ses vêtements en toute hâte et filé tout droit à la cafétéria de l’hôpital, tant elle était anxieuse de récupérer sa précieuse copie du journal abandonné. La pauvre femme n’avait pas rêvé : son horrible rêve de la nuit précédente n’était pas une invention de son esprit endormi. L’effroyable tuerie qu’elle avait vécue en rêve relevait bien, hélas, de la triste réalité de notre monde déshumanisé. Sous la rubrique : « Condamnés à mort pour un massacre », le journal relatait une épouvantable tuerie qui s’était déroulée en Irak en 2006, au plus fort des violences confessionnelles. Le carnage avait coûté la vie à quelque soixante-dix invités d’un mariage entre un chiite et une sunnite. Les deux époux professaient la même religion, mais étaient de courants religieux différents, ce qui traditionnellement, en Irak, donne lieu à des points de désaccord et même à de l’hostilité entre les deux mouvements de pensée. Aucun témoin gênant n’avait été laissé derrière. Personne n’avait été épargné : les dépouilles de toutes les victimes avaient été jetées dans le Tigre!
Suite à une laborieuse enquête de police, vingt-cinq membres présumés d’une cellule d’Al-Quaïda avaient été arrêtés par les forces irakiennes. Et de ce nombre, quinze venaient d’être condamnés à mort pour ce massacre, cinq ans après les faits. Et ô surprise, les monstres avaient tous visage humain. Et même que l’un de leurs chefs était le dirigeant d’une organisation vouée à la reconnaissance des droits de l’homme. L’ONG en question avait pignon sur rue et était engagée dans la défense des droits des prisonniers..! N’était-ce pas la preuve, une fois de plus, que le mal absolu pouvait dissimuler ses crimes sous les plus beaux airs de vertu?
Encore toute bouleversée, Marie aurait voulu crier sa révolte au monde entier si elle en avait eu le pouvoir. Comment pouvait-on tolérer pareilles horreurs, se disait-elle, vivre au milieu de pareilles ténèbres de l’esprit, endurer jour après jour d’aussi atroces persécutions, sans devenir complètement enragé? Comment était-ce possible de garder sa foi dans l’homme, après de tels actes de barbarie? Comment pouvait-on continuer à vaquer tranquillement à ses occupations comme si rien de tout cela n’avait d’importance? À qui confier son désarroi, sans risquer une boutade du genre: « Du calme, Marie, détends-toi, ces gens-là ne vivent pas sur la même planète que nous! Leurs problèmes, on n’en a rien à foutre! Ici, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil! »
Alors qu’au cours de la journée Marie implorait le Ciel de l’aider à trouver une réponse positive à sa détresse, tant il lui semblait qu’en ce monde le non-sens prenait le pas sur le bon sens et la raison, elle avait pris conscience soudainement que le Christ avait été mis à mort suite à des accusations découlant de semblable obscurantisme religieux chez ses persécuteurs. Et pourtant, n’avait-il pas prêché jusqu’à la fin l’amour des ennemis, enseigné la nécessité de prier pour ceux qui nous persécutent?   
Et alors qu’elle en était encore à se questionner sur l’attitude à adopter face à de pareilles horreurs, incapable de croire que l’on puisse en venir à se plier à un tel commandement de l’amour pour ses bourreaux, Marie avait pris conscience tout à coup que son défunt père avait fait sienne cette prescription de prier pour ses ennemis, des années plus tôt. Alors jeune journaliste débutant à l’époque pour le compte d’un grand quotidien du soir, son paternel avait été l’objet de l’irascibilité d’un collègue de travail au caractère emporté qui lui avait empoisonné la vie pendant de nombreuses années. Ce jusqu’au jour, où en désespoir de cause, il lui était venu à l’esprit de chercher du réconfort du côté de l’Évangile, pour solutionner son problème.
Demandant au Ciel, dans une courte prière, d’aider son tourmenteur à trouver la paix de l’esprit, particulièrement les jours où ce dernier lui semblait encore plus irritable qu’à l’accoutumée, en quelques mois son père avait vu les difficultés de communication grandement s’atténuer entre lui et son difficile confrère. Non seulement l’irascibilité de ce dernier avait-elle cessé, mais elle avait même fait place à de l’amabilité. Si bien que les deux hommes en étaient venus à s’apprécier, au point même de partager des confidences et de prendre plaisir à deviser familièrement de choses et d’autres, lors de leurs pauses repas.
Comme Marie était convaincue qu’elle se devait de tout mettre en œuvre pour tenter de mettre fin à de pareilles horreurs, et cela malgré le fait que tout en elle clamait du non-sens de ses aspirations face à la démesure de la tâche à accomplir, elle s’employait à faire ce qu’elle avait fait de mieux depuis toujours, quand elle se voyait particulièrement démunie face à une situation éprouvante qui lui semblait sans issue : se tourner vers le Ciel pour implorer son aide.
Et alors qu’elle aurait cru la chose impensable à venir jusque là, Marie se mettait à prier pour tous ces monstres sans visages dont le cœur n’était plus que vide et obscurité à force de haine et d’exécration. Pour que la lumière en vienne à percer les ténèbres de leur nuit profonde. Son Dieu saurait bien écouter ses prières. L’avait-il déjà trompée? N’ayant aucune prétention sur sa petite personne, elle s’abandonnait donc avec confiance. L’important pour elle, c’était qu’un de ces bourreaux sans visages en vienne peut-être à épargner sa victime au dernier instant dans le futur, pris de doute ou de remords devant la monstruosité de son geste, touché par quelque mystérieuse grâce dont évidemment elle ne saurait jamais rien. Du moins pas en ce monde. Mais quelle importance cela avait-il? Une des choses que sa foi lui avait apprise, c’était que la prière formulée avec un cœur pur avait un pouvoir de persuasion certain sur le cœur de Dieu. Et son espérance n’était pas de sauver le monde, mais une vie si possible, une seule vie…
Et pourtant, le Talmud n’enseigne-t-il pas que « celui qui sauve une seule vie sauve le monde entier?»

samedi 16 juillet 2011

Le samouraï



        
Tout comme le samouraï, ce valeureux guerrier japonais de la société féodale nippone dont le sacrifice volontaire de lui-même au profit de la cause qu’il embrassait a inspiré tant d’actes d’abnégation aux hommes de ce monde, il était lui aussi un être d’exception, tout de désintéressement et de dévouement qui avait choisi, à l’exemple du preux combattant du Soleil levant, de se mettre entièrement au service de son idéal, une cause qui, à ses yeux, lui apporterait une parfaite satisfaction du cœur et de l’esprit. Mais ce faisant, en choisissant de mener à bien pareille tâche courageuse, cet être de cœur s’engageait dans un véritable parcours du combattant. Car le maître qu’il avait choisi de servir requérait lui aussi de la part de ceux de ses sujets qui désiraient être de sa garde rapprochée, un totale fidélité dans l’exécution de leur travail, alliée à un abandon de tout intérêt personnel qui ne prendrait fin qu’avec la mort.
Et pour compliquer encore la tâche qui était échue à ce noble serviteur en faisant ce choix, ce dévouement requis ne consistait pas seulement à se mettre à l’entière disposition de ce maître bien-aimé, mais également à se rendre disponible pour tous ses sujets, et cela sans aucune forme de discrimination. Un service de tous les instants qui exigeait de la part de celui qui acceptait d’en relever le défi un oubli de soi et une générosité de cœur hors du commun. Du fait que nous vivons à une époque de confusion où toutes les valeurs de la société sont remises en cause, et où il est de bon ton de se convaincre pour nombre d’entre nous que la vérité n’est qu’un sophisme et la vertu qu’un nom, ce samouraï des temps modernes avait pris sur lui de faire abstraction de ses besoins propres pour mieux totalement se mettre à l’écoute de ses frères, veillant particulièrement sur les plus faibles d’entre eux, ceux que la vie avait semé en cours de route et qui ne savaient plus vers quel ciel se tourner pour y puiser quelque réconfort.
Telle était la voie du sacrifice et du renoncement qu’avait choisie ce vaillant disciple, des décennies plus tôt, en acceptant de marcher courageusement derrière la bannière de celui à qui il avait tout donné de sa vie. Mais ô combien riche de promesse de félicité en retour était ce choix de vie. Toutes ces années durant, cette âme d’apôtre s’était faite le porte-parole des volontés de son maître auprès de ses frères, leur rappelant sans cesse leurs obligations envers son auguste personne et envers leurs semblables. D’une constance de tous les instants auprès d’eux, les accompagnant aux jours de réjouissance comme aux jours de douleur, ce noble cœur les avait guidés, assistés, encadrés, réconfortés, écoutés, se souciant du moindre de leurs besoins, s’identifiant totalement à leurs joies comme à leur peines. Car par-dessus toute chose, il les aimait profondément.
Et alors que l’âge de la retraite avait sonné pour lui depuis quelques années déjà, il n’avait que faire de ce repos pourtant bien mérité, tant la tâche à accomplir se révélait exigeante. À l’évidence, il avait choisi de « mourir les bottes aux pieds », pour parapher Félix Leclerc. Car on ne se bousculait pas dans les bureaux d’embauche pour assurer la relève, sur la voie étroite que cet homme de cœur avait choisie d’emprunter. Et renoncer à sa tâche, ce valeureux serviteur n’y pensait même pas, incapable d’envisager de se prêter à pareil abandon. Il y avait si longtemps qu’il avait tout laissé derrière lui pour mener à bien cette cause de grandeur, qu’elle était devenue sa seule raison de vivre. Et à chaque jour que Dieu voudrait lui bien prêter vie dans le futur, il continuerait de l’assumer vaillamment, au meilleur de ses forces. Seule la mort mettrait un terme à son engagement sur l’honneur, car ce prêtre, à l’exemple du samouraï des batailles épiques du passé, mourrait au service de la cause qu’il avait embrassée!


mardi 12 juillet 2011

Pour qui sonne le glas?

    
« Je sais que je vais mourir! », avait confié, désespérée, Maria do Espirito Santo à sa sœur Laisa, quelques jours avant d’être assassinée avec son mari dans une embuscade, fin mai, en Amazonie. Le couple se savait condamné pour sa lutte contre les déboisements illégaux qui ravagent la plus grande forêt du monde.
Cette nouvelle parue dans un journal du 25 juin dernier sous le titre : « La peur règne en Amazonie », m’a laissé dans un état à la fois d’accablement et de révolte. Je savais que depuis des décennies une déforestation sauvage était en cours au Brésil, et que ces déboisements illégaux étaient responsables pour une bonne part des émissions de gaz à effet de serre qui, lentement mais sûrement, feront de la Terre un « no man’s land » pour les générations à venir, si nos habitudes de vie et nos façons de faire les choses ne changent pas de façon radicale.

Zone déforestée en Amazonie brésilienne. Photo: AFP Antonio Scorza 
Cas isolé que ce double meurtre, pensez-vous? Cette exécution était suivie de l’assassinat de six autres paysans militants pour les mêmes nobles intérêts, dans les jours suivants, et tous ces crimes restaient toujours impunis un mois plus tard. La commission pastorale de la Terre, une organisation liée à l’Église, calcule que 800 personnes ont été assassinées dans ce contexte au cours des quarante dernières années, et que 125 paysans sont aujourd’hui menacés pour leur engagement contre le déboisement illégal au Brésil.
La mort de Maria do Espirito Santo, 51 ans, et de son mari José Claudio Ribeiro, 52 ans, qui dénonçaient les actions illégales des bûcherons clandestins, était une mort annoncée, est-il bon de le préciser. Pendant des mois, ils avaient reçu des menaces de mort. Les « pistoleiros » (tueurs à gages) engagés pour les abattre avaient eu tout leur temps pour planifier leurs crimes. Le visage masqué par des cagoules noires, ils avaient surgi d’un bosquet pour cribler de balles les deux militants écologistes, alors que ces derniers qui voyageaient à moto avaient dû ralentir au passage d’un pont improvisé.
Au lendemain de l’assassinat du couple martyr, la présidente Dilma Rousseff ordonnait une enquête rigoureuse, mais personne n’aurait encore été inquiété jusqu’à maintenant. Bien plus, force aurait été de mettre à l’abri dans un endroit inconnu dix autres activistes écologistes, devant les menaces de mort qui pesaient toujours sur eux.
Fait non négligeable à signaler, après plusieurs années de baisse, le déboisement illégal aurait connu une hausse spectaculaire en mars et avril dernier. Ainsi, 600 km² seraient partis en fumée sous la pression des bûcherons, des éleveurs de bovins et des producteurs de soja avides de nouvelles terres. Une superficie six fois supérieure à la même période de 2010. Tout cela alors que le Brésil a pris l’engagement de réduire de 80% d’ici 2020 ses émissions de gaz à effets de serre, essentiellement dues au déboisement à outrance.
Il y a quelques années, la culture du soja était le principal facteur de la déforestation amazonienne. Mais suite à de multiples pressions de l’opinion publique, un compromis était conclu avec l’industrie : celle-ci s’engageait alors à ne plus acheter d’oléagineux en provenance des zones déboisées. Résultat : la culture du soja n’était plus un facteur important du déboisement en Amazonie. Aujourd’hui, c’est l’élevage bovin qui est responsable de 80% de la déforestation. Et cet élevage s’avère être un plus grand fléau que son prédécesseur : 12 000 km² de forêts détruites entre août 2007 et juillet 2008, soit quatre fois plus qu’en 2006! Le pays occupe 30% du marché mondial de l’exportation de la viande bovine. De ce marché, l’Amazonie compte pour 22% de ces exportations.  
À l’échelle mondiale, le Brésil est à ce jour le quatrième plus gros émetteur de CO². Mais face à la pression des différents courants de l’opinion, des poursuites judiciaires de grande envergure ont été entreprises par le ministère public pour mettre fin à ce pillage éhonté de l’une des ressources vitales les plus compromises de la Terre.
Que peut-on faire, à l’échelle de chaque personne, pour que tous ces valeureux militants d’Amazonie qui ont payé de leur vie leur engagement pour la sauvegarde d’une forêt légendaire devenue l’enjeu d’une convoitise effrénée, ne soient pas morts en vain? Une chose bien simple : s’engager à la suite de ceux qui poursuivent leur combat. Les opposants à cette déforestation illégale sont nombreux au Brésil. Mais ailleurs dans le monde, ils sont légions également. Chez nous, « Greenpeace Canada » est l’un de ces organismes qui dénonce et mène une lutte de tous les instants pour mettre fin à cet élevage éhonté pratiqué au détriment de cette ressource forestière unique au monde. Et il y a aussi « Équiterre », cette autre formidable organisation écologique dont Steven Guilbeault est le co-fondateur. Selon le journaliste Éric Moreault, cet écologiste pur et dur fait partie, « sur la planète, du cercle restreint de ceux dont l’opinion compte sur les changements climatiques. ». « Changer le monde un geste à la fois », voilà l’adage de Steven.
 Faute de ne pouvoir monter au front à la suite de tous ces braves militants qui crient tout haut ce que nous pensons tout bas et paient souvent cruellement de leur personne leur engagement pour la défense de notre planète, à l’exemple de Claudio Ribeiro et Maria do Espiranto Santo, on peut toujours manifester notre soutien pas nos deniers, meilleure façon souvent pour tout un chacun de témoigner notre appui à toutes ces actions engagées pour changer notre monde. Un geste à la fois, si humble soit ce geste. L’océan n’a-t-il pas commencé, à ses origines, par la simple agglomération de quelques gouttes d’eau?

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Mais si, malheureusement, nous ne nous sentons nullement concernés par cette lutte titanesque entreprise à l’échelle planétaire pour mettre fin aux abus criminels de ces pilleurs de notre planète, que les mots « amour du prochain » sont si peu de choses pour nous que le combat de l’ombre de tous ces martyrs qui souffrent et meurent pour leur cause sonne à nos oreilles comme vaine alarme face à un péril dont les enjeux mortels nous importent peu, on peut toujours continuer de danser sur notre volcan. Et le glas continuera de sonner de son côté pour ce « prochain » oublié qui aura payé de sa vie pour assurer la nôtre. Jusqu’au jour où face à un monde ravagé de toutes parts sous l’impact des dérèglements climatiques, notre survie en vienne à être directement menacée par quelque terrible cataclysme qui nous tombera dessus, au moment où on s’y attendra le moins. Alors ce sera peut-être à notre tour de crier d’une voix désespérée : « Je sais que je vais mourir! »


dimanche 10 juillet 2011

Les sœurs siamoises

Ernest Griset, Mammoth Hunters
Photo: © The Bromley Museum Service
Ils sont plus d’une trentaine, vêtus de peaux d’ours et lourdement chargés des restes d’une carcasse de mammouth piégé dans un marécage de la toundra, qui avancent dos courbé et tête baissée pour se protéger contre le vent glacial accompagné de tourmentes de neige qui souffle devant eux, au milieu des étendues d’un paysage quasi désertique, il y a quelque trente-cinq mille ans. Cette carcasse est une aubaine pour ces hommes de Cro-Magnon. Avec les os, ils pourront monter l’ossature de leur hutte pour la nuit qui vient, en partie enterrée dans le loess pour se protéger du vent, puis ils la recouvriront de l’épaisse fourrure de l’animal pour se garder du froid.
Quelques heures plus tard, le groupe qui s’est scindé en deux pour des raisons de sécurité et de commodité de logement a dressé deux abris côte à côte contre un pan de rocher, puis sur le sol gelé des feux ont été allumés dans les deux camps avec la graisse de l’animal, afin de faire cuire des quartiers de cerfs tués une dizaine de jours plus tôt. Les ossements brisés du mammouth servant de combustible en l’absence de bois, les chasseurs se serrent autour des feux sur lesquels achève de cuire la viande dont l’odeur envahit les deux huttes.
Dans le premier abri composé de huit hommes, trois femmes et cinq enfants, deux sœurs inséparables comme des siamoises tant l’une est la copie conforme de l’autre en toute chose, observent la viande dont la peau se fendille en libérant un ruissellement de jus. La chaleur du feu les réconforte après cette longue traque dans le froid et la présence dans les parages de tous ces mammouths, rhinocéros laineux, ours, lions et bisons qui constituent un danger permanent pour le groupe.
La promesse d’un copieux repas déliant les langues- les femmes ont aussi fait provision au cours des mois plus chauds de noix et de noisettes ainsi que de petits fruits séchés quelles incorporeront au menu de ce festin-, les conversations commencent quelque peu à s’animer autour du foyer fumant. Bien sûr, on ignore quelle était le langage parlé de ces hommes, mais on sait, en revanche, que ceux-ci étaient suffisamment évolués pour être capables de réfléchir sur la place qu’ils occupaient au sein de notre univers, ainsi que sur le sens de leur vie.
L’étroitesse de la hutte favorisant le rapprochement entre ses occupants, c’est ainsi que bientôt la première des deux sœurs demande à l’autre, dans un jargon guttural étayé de toute une gestuelle de mimiques et de gestes expressifs, si elle savait que Houm, le chef de leur clan, avait donné un beau collier de dents de lion à Réa, la femme de Bior, le chef du clan adverse. Houm lui aurait donné le collier en secret pendant que Bior était parti à la chasse pour plusieurs jours avec les hommes valides de sa bande. Si la chose ne s’était jamais sue, c’est que Réa aurait soigneusement caché le collier, évitant de le porter en présence de Bior, tant elle redoutait que celui-ci en prenne fortement ombrage.
Déjà toute émoustillée par cette confidence, la seconde sœur s’enquiert aussitôt auprès de l’autre sur la façon dont cette juteuse information lui serait parvenue. Et la première de répondre qu’elle tiendrait cette confidence de la bouche même de Réa. Cette dernière se serait confiée à elle sous le sceau du secret, il y a quelques lunes passées, le jour où les deux clans avaient choisi de se rencontrer pour départager le territoire de chasse qui borde le grand fleuve. Si la première des deux sœurs n’avait jamais parlé de cette affaire jusqu’à ce jour, c’est que Réa lui avait fait promettre de ne jamais ébruiter ce secret à qui ce soit, tant il y avait risque que ce présent envenime le fragile climat de paix entre les deux clans.
Ne voulant pas être en reste de confidence sur sa sœur, sa parente s’empresse de renchérir sur elle. Ainsi, affirme-t-elle, elle aussi sait des choses sur Réa qu’elle n’a jamais dites à personne. La mine par en dessous, le regard en coulisse, elle avance qu’elle est certaine que l’enfant dont Réa est présentement grosse n’est pas de Bior, mais plutôt de Houm. Alors que la première des deux sœurs se dit stupéfaite d’apprendre pareille chose, la deuxième poursuit en disant qu’elle a compté les lunes de la gestation de Réa, et que selon ce calcul celle-ci se serait retrouvée engrossée à la période où elle s’était prétendument égarée en allant cueillir des baies sauvages dans les collines bordant le fleuve. Or, qui avait retrouvé sa trace quand les deux clans rivaux avaient uni leurs forces lors d’une battue générale pour récupérer la malheureuse exposée à tous les dangers, c’était Houm.
Bien sûr, d’ajouter la commère, elle n’a aucune certitude de ce qu’elle avance, mais qu’importe, avec ce qu’elle vient d’apprendre maintenant sur cette histoire de parure de cou offerte secrètement en présent à Réa par le chef de leur clan, cela confirme qu’elle avait vu juste et que ses soupçons sur la prétendue paternité de Houm peuvent être tenus pour vrais.
Les confidences échangées entre les deux sœurs ce jour-là auraient peut-être pu en rester là. Mais dans le groupe de chasseurs qui se serraient autour des braises, un homme qui commençait à vieillir- il allait avoir bientôt quarante ans et était de ce fait considéré comme vieux au sein du clan-, avait tout entendu de l’échange à voix basse des deux femmes. Et comme cet homme avait été délogé l’année plus tôt de son rôle de chef du groupe par Houm, plus jeune et plus vigoureux pour prendre en main la survie du clan, il était resté secrètement amer de sa destitution. Et dans les jours qui avaient suivi ces racontars, il avait rencontré secrètement Bior, le chef du clan adverse prétendument trompé, et il lui avait dévoilé ce qu’il avait entendu comme ragots au sujet de sa femme.
Une lune plus tard, alors que Réa venait d’accoucher d’un fils bien portant, susceptible un jour d’assurer une bonne relève au sein du clan, Bior lui retirait brutalement l’enfant du sein pour l’abandonner aux carnassiers en maraude dans les fourrés bordant le fleuve. Puis, Réa elle-même était chassée hors du clan, abandonnée à son tour sans arme au milieu d’un territoire impropre à toute survie pour une femme seule. Quant à Houm, il périssait avec deux des chasseurs de sa bande, lors d’un guet-apens soigneusement préparé pour le perdre.
Dans les jours qui suivaient cette mortelle embuscade, le clan de Houm s’en prenait à celui de Bior afin de venger l’injure faite à son chef. Bior trouvait la mort à son tour, tué d’un coup de lance. Mais les violences n’allaient pas s’arrêter là pour autant. Devenus ennemis déclarés, les deux camps se lançaient dans une guerre sans merci. Des décennies durant, on se décimait mutuellement dans une lutte fratricide implacable qui devait faire des dizaines de tués de part et d’autre, cela alors que la survie de tous était cruellement menacée dans ces steppes quasi désertiques de la toundra où chaque vie humaine valait son pesant d’or.
Mais qu’étaient donc devenues les deux sœurs responsables de tous ces malheurs, durant tout ce temps? Toujours aussi cauteleuses, elles avaient continué à se nourrir du fiel de leurs racontars et de leurs insinuations perfides. Et bien vivantes, elles avaient même prospéré au cours de toutes ces années, donnant naissance à des rejetons en tout point conformes à leurs tristes modèles.
Aujourd’hui, leur progéniture se chiffre par dizaines de millions de descendants à travers le monde. S’il est utile de préciser ce détail, c’est qu’ils ne sont pas toujours faciles à identifier au sein de la masse, et qu’il vaut mieux être prévenus contre eux, à cause du danger potentiel qu’ils représentent toujours pour leur entourage. Un détail caractéristique de leur personnalité pourrait peut-être aider cependant à les reconnaître dans le lot… Ces rejetons portent tous les noms de leurs deux lointaines ancêtres issues de la nuit des temps : médisance et calomnie!

jeudi 7 juillet 2011

Un Messie selon la chair

 
« Comment savoir qui est le Machia’h, notre Messie tant attendu, car chaque jour que Dieu fait, voici qu’un homme prétend être le messie ou que son rabbin est le messie? »
           
Je viens de tomber par hasard sur un blog destiné à faire connaître les trésors du judaïsme et, curieux, après avoir lu ce texte d’introduction, je choisis d’aller voir ce que  les pages de ce site nous dévoilent sur la figure du Messie d’Israël. Une loi succincte et concentrée dite Hala’hah est censée nous fournir les instruments d’identification imparables pour reconnaître qui est le vrai Machia’h. Comme il est impossible de vous relater ici la totalité de ce texte, je ne vous en fais partager que les passages qui me sont apparus les plus pertinents.

A) « Il faut que le Messie soit Roi, à savoir- au sens simple du mot, instauré Roi, avec toute l’acceptation que ce terme implique. […] Cette fonction comporte des droits et des devoirs à ce niveau de majesté, en tant que roi de tout Israël, investi de l’autorité à déclarer des guerres pour le bien d’Israël et de les conduire, pour des raisons qui lui sont propres, car il est Roi. […] Le Roi concentre sur lui seul toutes les fonctions publiques, nationales et leurs responsabilités. […] Bien qu’il puisse s’entourer de conseillers dans tous les domaines, en fin de compte, la décision ultime lui revient. »  
B) « Le Messie doit être un Roi descendant de la Maison de David. Temporairement, nous pourrions accepter un roi d’une autre tribu […] mais le trône royal instauré pour l’éternité viendra justement de la Maison de David. »
C) « Il est un roi plein de respect révérenciel authentique de Dieu, il réalise les commandements divins et étudie la Torah. Même un roi d’une autre tribu doit étudier beaucoup de Torah (Lois des rois III, 3). Sinon, comment pourrait-il réussir à guider le peuple et lui montrer la bonne voie à suivre? »
D) « Il contraint tout Israël à suivre la Torah. […] comme il est Roi, c’est de la contrainte royale. Les ordonnances du Roi sont toujours contraignantes, comme par exemple la levée des impôts, la mobilisation militaire ou les lois du Code de la route. »
E) « Et il engagera les guerres du Seigneur. Cette expression n’est pas une métaphore ou un symbole, mais il s’agit assurément des guerres contre l’ennemi […] il s’agit bien des guerres du Seigneur, non pas une vulgaire agressivité, mais des guerres commandées par le Seigneur dans sa Torah, […] c'est-à-dire la guerre de défense. Ou bien, selon le Ramban, Na’hmanide, une guerre de conquête, à savoir la guerre de l’indépendance d’Israël. Le Roi Messie s’occupe de guerres nationales pour le bien du peuple d’Israël. Nous n’aimons pas les guerres, nous adorons la Paix et résider en toute sécurité sur notre Terre bien-aimée. Mais que faire si nos ennemis alentour n’ont pas les mêmes critères? […] C’est pourquoi le Machia’h engage les guerres du Seigneur, sans peur ni reproche, comme un Chef des Armées qui se lance à l’attaque, au sens réel du terme. »
« […] ce Roi de la maison de David qui réalise la Torah et les ordonnances divines, qui dirige le peuple par une politique intérieure et une politique extérieure dans l’esprit de la parole divine, ce Roi est supposé être le Messie probable jusqu’à preuve du contraire. Une éventualité d’être le Messie. Et comment saurions-nous qu’il l’est selon toute évidence? “Le Messie vrai est celui qui a réussi tout ce qu’il a entrepris et qui a vaincu les nations ennemies alentour, il a construit le Beith haMiqdach en son emplacement et a rassemblé les exilés d’Israël. Celui-là est le Messie certain.” »
« La sainteté des individus existe chez les goyim, il y a chez eux des gens de valeur, en justesse avec la morale, des gens pieux qui ont rendu le bien aux juifs. […] Mais le rôle spécifique d’Israël, au-delà de la sainteté individuelle, c’est la sainteté sociale nationale globale universelle. […] “Et Je ferai de toi un grand peuple, une nation de prêtres et un peuple saint. ” Et cela ne peut se faire qu’en Israël : un État qui sanctifiât le Nom de Dieu dans le monde et à sa tête le Roi-Messie. Et si l’État d’Israël, malgré ses péripéties, commence à ressembler à ce qui est décrit précédemment, après l’épaisseur d’histoire dont nous avons fait l’expérience jusqu’à maintenant, c’est qu’il s’avère être la messianité elle-même. »

Ouf!!! Vous reconnaissez le Messie du christianisme dans la figure de ce Machia’h guerrier, venu sur Terre pour prendre la tête d’Israël, assurer sa défense ou au besoin ses conquêtes, et établir sa domination souveraine sur l’ensemble des goyim de ce monde? Il n’est plus juste question ici de l’Israël saint, de l’Israël selon l’esprit, de l’Israël qui a donné le Rédempteur au monde, mais bien de l’Israël selon la chair, l’Israël dont le trône royal sera instauré pour l’éternité..! L’Israël saint ne sera plus juste une vision de l’esprit, le modèle de sainteté des grands prophètes, le cadre saint qui a vu naître au sein de sa descendance le Sauveur des hommes qui clamait que son « royaume n’est pas de ce monde », mais bien un état nation aux frontières terrestres bien définies, et avec une politique intérieure et une politique extérieure établies dans l’esprit de la parole divine. Et comme cet état est appelé à être la messianité elle-même, ce Messie juif contraindra tout Israël à suivre la Torah. Pardi, il ne peut pas y avoir de récalcitrants au sein du peuple, quand on est appelé à devenir « une nations de prêtres et un peuple saint », le phare du monde! Et pour être bien sûr que ce Roi trois fois saint qui est appelé à instaurer la gloire d’Israël sur Terre soit conforme aux attentes que l’on se fait de son règne, ce sont ses sujets qui le formeront, qui lui feront approfondir la Torah. Le Roi de gloire ne vient plus apporter sa lumière aux hommes, ce sont les hommes qui vont le former sur la façon de guider son bon peuple, lui montrer la voie à suivre!
Dans le nouveau « Petit Robert », au mot messie, on peut lire : Libérateur désigné et envoyé par Dieu. Le Messie : Jésus-Christ…
Selon les prédictions des grands mages de cette Terre en ce qui a trait à la fin du monde, nous saurons que nous sommes rendus à la fin des temps le jour où Israël se convertira au christianisme… Nous pouvons dormir tranquille : ce jour n’est pas pour demain. On risque bien d’en avoir pour des siècles et des siècles, avant de voir pareille conversion!

dimanche 3 juillet 2011

Pauvre Thémis

                                          

           
C’était un homme puissant, tout-puissant même, qui avait fait de brillantes études et qui était mondialement connu grâce à son savoir-faire en ce qui avait trait notamment aux grandes affaires d’argent. Et non seulement était-il célèbre, mais grâce à un riche mariage il jouissait d’une énorme fortune pour promouvoir ses intérêts sur l’échiquier politique de notre monde.
            Mais cet homme d’influence que ses hautes fonctions au plan international rendaient pratiquement intouchable avait une faiblesse de comportement qui, au fil des ans, avait commencé à attirer l’attention des médias sur certains de ses faits et gestes, compromettant sérieusement du coup sa réputation : il maîtrisait mal ses pulsions sexuelles. Et un beau jour, alors qu’il était en déplacement dans un pays étranger, subitement le ciel lui tombait sur la tête : l’homme se retrouvait au cœur d’une sordide affaire d’agression sexuelle. Une femme de chambre de l’hôtel dans lequel le tout-puissant monsieur avait séjourné disait avoir été attaquée par lui dans le cadre de son travail.
Devant les faits invoqués par la prétendue victime et l’état de choc dans lequel elle se trouvait après l’incident, la direction du complexe hôtelier jugeait l’affaire suffisamment grave pour en prévenir la police sur-le-champ. Et dans l’heure qui suivait, l’« agresseur » était arrêté dans l’avion même qui devait le ramener dans son pays. Incriminé sous sept chefs de crimes sexuels présumés, l’arrestation du puissant gestionnaire du capitalisme international faisait la une des organes de presse du monde entier. Dès lors, l’irréparable était accompli.
Pendant que l’inculpé clamait son innocence et plaidait non coupable aux accusations qui pesaient contre lui, les avocats des deux parties en cause commençaient à fourbir leurs armes en vue de la médiatique joute judiciaire à venir. Et comme tous les coups sont permis de nos jours pour arracher une condamnation ou, à l’inverse y échapper- le procès coûtera plus de deux millions de dollars au prévenu-, l’affaire était enclenchée de façon absolument implacable dès le début de la quête de preuves et de contre-preuves, par les procureurs mandatés des deux adversaires. L’exercice de la justice ne consiste-il pas, à notre époque, à réfuter les assertions de la partie adverse, à fouiller dans le passé de ses témoins pour les discriminer au maximum, afin de leur enlever toute crédibilité aux yeux des jurés?
À titre d’exemple, au cours du procès hyper médiatisé d’O. J. Simpson accusé du meurtre de sa conjointe et de l’amant de celle-ci, il a suffi que la défense démontre que l’un des enquêteurs de police chargés de l’enquête était raciste, pour que les accusations tombent et que l’accusé passe entre les mailles du filet de la justice. Les choses sont ainsi. Dans l’affaire qui nous intéresse, dès le début de l’enquête, les procureurs de l’accusé donnaient ouvertement à entendre qu’ils ajusteraient leur défense en fonction des éléments de preuve incriminant ainsi que récoltés. Et qu’au pire, ils plaideraient la relation sexuelle consentie entre l’accusé et sa prétendue victime.
La plaignante était donc prévenue : la défense du « prince » serait assumée par deux gloires du barreau qui ne reculeraient devant rien pour sauver la mise de leur client. Pour parvenir à leurs fins, rien ne serait épargné à la « bergère » comme turpitudes. Ainsi, les avocats de l’accusé demandaient, en ouverture d’enquête, qu’on leur fournisse des éléments sur le moindre témoin de l’accusation, la victime y compris, une jeune émigrante d’origine africaine, dans l’espoir d’y relever quelque éventuelle présence de « handicap mental ou physique, de troubles émotionnels, ou de dépendance à la drogue ou à l’alcool. » Gare à celui de ces témoins dont le passé pourrait comporter quelque accroc ou irrégularité au blason. Cette tache pourrait conduire la partie adverse à miner sa crédibilité morale, à mettre en doute l’honnêteté de son témoignage, et même à le faire invalider.
Charger la personne qui porte témoignage au maximum, afin de lui donner mauvaise conscience aux yeux des membres du jury. Ainsi, ne laisse-t-on pas déjà à entendre, en ce qui a trait à la présumée victime, que sa démarche pourrait être motivée par la cupidité derrière les accusations qu’elle a porté contre le prévenu, le nouvel avocat de la plaignante ayant la réputation d’avoir pu obtenir, dans des causes antérieures du même genre, des millions de dollars de dédommagement pour ses clients..?
Des manières de faire qui valent aussi bien pour l’accusation que pour la défense. Ne s’inquiète-t-on pas d’ailleurs, du côté des avocats de la défense, et cela à cause de la réputation sulfureuse de leur client, du fait que leurs confrères de la partie plaignante puissent produire des pièces concernant d’autres affaires du passé de l’accusé susceptibles de l’incriminer, mêmes si ces affaires n’ont pas encore fait l’objet de poursuites en justice?
Il y a deux mille ans, l’Agneau de paix qui annonçait aux hommes de ce monde qu’ils devaient changer de comportement, s’ils voulaient trouver grâce sous le regard de Dieu, déclarait aux foules venues l’entendre : « Vous avez entendu encore qu’il a été dit aux anciens : Tu ne parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. Et moi, je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel parce que c’est le trône de Dieu, ni par la terre, parce que c’est l’escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem, parce que c’est la cité du grand roi. Ne jure pas davantage par ta tête, parce que tu es incapable de rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Que votre discours soit : Oui, oui; non, non : tout ce qui est en plus vient du mauvais. » (Matthieu Chap. 5, Vers. 33-37)
Un air d’honnêteté, trompeur comme un éclairage de théâtre… Jurez-vous de dire la vérité, rien que la vérité? Levez la main droite et dites « je le jure »…  Et si Thémis, la déesse aux yeux bandés symbolisant l’impartialité de la justice avait plutôt choisi de se voiler la face avec ce bandeau, pour ne pas voir tous les parjures et autres saloperies du genre qui ont cours dans les enceintes des tribunaux de ce monde? Après tout, le Soleil de justice qui venait apporter la paix aux hommes de cette Terre n’a-t-il pas été envoyé à la mort sur la croix suite aux témoignages de témoins de mauvaise foi, et après que son juge inique eût reconnu son innocence devant ses accusateurs à quatre reprises?