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lundi 8 août 2011

Vous êtes pas tannés de mourir, bande de caves?



En 1970, sur la murale d’entrée du Grand Théâtre de Québec consacré aux arts de la scène et du spectacle, l’artiste sculpteur Jordi Bonnet gravait cette phrase choc du poète Claude Péloquin : « Vous êtes pas tannés de mourir, bandes de caves? C’est assez! » Lors de l’inauguration du complexe théâtral par les autorités responsables de l’époque, ces mots provoquaient un véritable scandale pour nombre de Québécois, certains allant jusqu’à réclamer de faire disparaître un tel affront à la grande culture.
Ces mots sont durs, il faut en convenir, et plusieurs ont disserté longuement sur les intentions du poète, en écrivant pareille provocation. On parlait alors de l’apathie des Québécois qui, pour certains, tardaient à assumer leur indépendance politique pour jouer enfin leur rôle véritable dans le monde. Bref, cette apostrophe était destinée, semble-t-il, à faire office d’électrochoc pour le peuple. Une sorte de prise de conscience de son apathie face à son destin. Ou si on aime mieux, un coup de théâtre destiné à le tirer enfin de sa torpeur.
Et si on appliquait ces mots choc de « bandes de caves » à chacun d’entre nous, à l’échelle de notre monde dangereusement déshumanisé? Ne sommes-nous pas tannés de mourir à nous-mêmes, morts de toutes ces grandeurs refoulées en nous au profit de cette soif éternelle du mauvais riche toujours plus tyrannisante dans son avidité insatiable d’argent, de biens matériels, d’honneurs et de positions sociales si souvent obtenues par des moyens peu délicats?
Ne sommes-nous pas tannés de mourir avec ce masque perpétuellement accroché au visage pour mieux dissimuler nos aliénations de cœur, nos dépravations d’idées, de goûts et d’habitudes, sans cesse sur le penchant de notre ruine, morts de nos existences sans remords, de nos aspirations piétinées par l’égoïsme, l’apathie, l’indifférence, et étouffées encore par toutes nos craintes de se retrouver en manque qui nous font engranger toujours plus de richesses périssables au détriment des véritables trésors du cœur qui ouvrent les portes du Ciel?
Ne sommes-nous pas tannés de mourir, de courir tout droit à notre perte, tel ce vaisseau à la dérive poussé par un vent mauvais qui fonce droit vers les écueils de la côte sous l’impulsion d’un compas faussé, engloutis que nous sommes par le cloaque de nos mœurs? Ne sommes-nous pas tannés de toutes nos morts et fermetures à tout ce qui relève de l’esprit de grandeur en nous, par faute de n’avoir d’autre fin que de sacrifier aux jouissances des sens, n’ayant aucun scrupule à laisser la tyrannie de la chair s’installer à demeure en nous et y régner en maître absolu?
Ne sommes-nous pas tannés de mourir fermés à la sagesse des sages, d’être de ces animaux de gloire qui ne vivent que pour occuper les autres d’eux-mêmes, pour se faire un nom, une position, prétentieux, vaniteux, orgueilleux et sensuels à souhait dans nos actions comme dans nos pensées, esclaves de nos intérêts et de nos passions, prompts à la critique et à la condamnation des autres sans voir l’immensité de nos propres manquements, affectant la vérité, la sincérité et la noblesse de sentiments alors que nous sommes les premiers à se conformer à des modes et usages que notre conscience désavoue, tant nous sommes esclaves du respect humain? 
Ne sommes-nous pas tannés de mourir, faux à l’égard de nous-mêmes, faux à l’égard de Dieu et de notre prochain, ayant tout vu, sachant tout, se suffisant en tout, présomptueux, tranchants, hautains, rampants devant le fort, implacables à l’égard du faible, usant et abusant de la vie comme si nous en étions les maîtres absolus, maîtres irresponsables et despotes fermés à la raison et peinant sans fin dans nos ténèbres obscures à discerner le vrai du faux, tant notre conscience est faussée?
Enfin, ne sommes-nous pas carrément tannés d’accepter cette mort née de la division homicide entre les hommes et qui a fait du genre humain le tombeau de l’erreur et du vice, transformé notre paradis originel en une vallée de larmes? Ignorant Dieu et nous ignorant nous-mêmes, toute notre vie durant nous cherchons en vain à donner un sens à une existence qui nous échappe. Obscurément nostalgiques du paradis dont nous avons été chassés, et devinant par intuition qu’il est toujours là, dissidents insatisfaits de notre vie purement matérialiste, nous cherchons confusément à retrouver le sens du paradis perdu et, pour les plus conscientisés d’entre nous, de découvrir ce Dieu qui se cache faute d’avoir cessé de le chercher, faute de s’être mis hors du jeu divin. Dieu est la présence à reconnaître au milieu de ce jeu, parce que notre vie n’a de sens qu’à l’intérieur de ce jeu, de cette quête d’absolu.
Saint-Exupéry avait vu juste : « On ne voit bien qu’avec les yeux du cœur. L’essentiel demeure invisible au regard. » Nous devons réapprendre à voir avec les yeux du cœur pour redécouvrir l’essentiel qui se cache dans la profondeur de notre nuit. C’est à ce prix seulement que nous trouverons enfin le bonheur, que nous pourrons jouer notre véritable rôle en ce monde, et que nous deviendrons « bienheureux »!
Si tout cela au contraire nous laisse insensibles, alors il faudra croire que nous ne sommes pas tannés de mourir, et que nous sommes indifférents à l’idée de vivre étouffés par les ronces de notre jardin abandonné à lui-même, confortables avec l’idée de cette mort à toute élévation en nous, cela alors que nous n’aurons peut-être jamais su ce que c’est que de vraiment vivre, et même jamais su ce que c’est que de naître!

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