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lundi 25 juillet 2011

Le cheval de Troie


    


Tout cela avait commencé comme une blague, un bon tour à jouer à Thomas, un employé modèle que ses confrères de bureau du service de la comptabilité trouvaient un peu trop réservé dans sa conduite, face aux libertés que ces derniers s’octroyaient discrètement sur leurs ordinateurs personnels, avec les sites pornos de l’Internet, lors de leurs pauses repas. Pourtant, ce que les collègues de travail de Thomas ignoraient, c’est que l’homme n’agissait pas ainsi pour des raisons de morale ou parce qu’il était particulièrement vertueux. Thomas éprouvait plutôt une faiblesse compulsive pour toutes les formes de représentations de l’obscénité. Une faiblesse dont il avait mis des années à dominer la pulsion, par seul contrôle de lui-même. Ainsi, à son domicile, par crainte de succomber à la tentation de se balader d’un site pornographique à l’autre sur l’Internet, il s’était interdit de posséder un ordinateur, privant du même coup sa famille de ce précieux outil de travail, de recherche et d’information.
Mais quelle était donc cette bonne farce que les compagnons de travail de Thomas lui avaient jouée, un beau midi, à l’heure de sa pause repas, pour souligner son anniversaire de naissance? Alors que Thomas ne se doutait de rien, entouré de toutes parts par ses amis et collègues qui se relayaient pour lui souhaiter une joyeuse fête- il venait d’avoir quarante ans-, un petit futé, au sein du groupe, s’emparait à son insu des commandes de son ordinateur de bureau. Passant vitement celui-ci en mode Internet, il filait tout droit sur un site porno préalablement choisi, puis hurlait à la ronde un tonitruant « bonne fête, Thomas! » À ces mots, comme par magie, apparaissait à l’écran une superbe créature aussi nue qu’à sa naissance qui était à chevaucher allégrement un jeune et vigoureux étalon issu des « haras » des maîtres du cinéma pornographique, avec les mots « happy birthday » peints bien en évidence sur sa croupe rebondie.
Rougissant brusquement jusqu’aux oreilles devant cette obscène « carte de bons vœux » qui avait déclenché un immense éclat de rire autour de lui, Thomas, le cerveau en feu et n’arrivant pas à détacher ses yeux de l’écran de son ordinateur, avait fini par remercier gauchement tout le monde autour de lui pour cette originale façon de souligner son anniversaire, et les choses en étaient restées là. Du moins, en apparence. Car dès le moment où il s’était retrouvé seul dans son bureau, il avait noté en hâte l’adresse du site en question et, le lendemain midi, à l’heure de sa pause repas, il y était retourné en douce pour se régaler des charmes généreux de sa « carte de bonne fête ».
Incapable dès lors de se ressaisir, Thomas prenait pour habitude, à compter de ce jour, et ce malgré une défense expresse de son employeur d’utiliser l’équipement informatique à des fins personnelles, de s’enfermer dans son bureau à l’heure de sa pause repas du midi, afin de se délecter de tout ce qu’il pouvait trouver comme obscénités en naviguant au milieu des sites pornos de la Toile. Ses vieux démons avaient retrouvé tous leurs droits dans son esprit. Et comme cette brève heure de repos ne suffisait bientôt plus à rassasier sa curiosité malsaine, quelques semaines plus tard il faisait l’acquisition d’un ordinateur portable, prétextant auprès des membres de sa famille une charge de travail grandissante. Heureusement, plaidait-il, grâce à la technologie informatique, il allait pouvoir s’acquitter de cette tâche à la maison.
Poursuivant sur sa pente glissante, Thomas en venait rapidement à passer ses temps libres enfermé dans le bureau de son domicile, cloué devant l’écran de son portable. Et là, le regard fixe, la bouche desséchée, les oreilles rouges, le cœur lui battant la chamade par moments tant son penchant effréné pour la luxure lui faisait rechercher toujours plus d’émotions fortes dans sa quête d’obscénités, progressivement il commençait à vouloir partager ses fantasmes sexuels avec d’autres internautes de sexe opposé. Désormais, il ne voulait plus rester seul dans son coin à rêvasser en voyeur solitaire devant ses coupables petits plaisirs. Il voulait trouver une compagne délurée qui aurait part en même temps que lui aux obscènes représentations de son vice caché, dans l’espoir bien avoué de susciter chez elle des réactions complices. En un mot, échanger avec une compagne de débauche susceptible de partager ses fantasmes sexuels les plus délirants.
Six mois plus tard, après une quête frénétique sur la Toile qui l’avait amené à découvrir enfin cette complice libidineuse tant recherchée, inconscient des dangers auxquels il s’exposait ce faisant, Thomas prenait rendez-vous en cachette avec sa correspondante. Prétextant auprès de sa femme devoir s’absenter pour le week-end en raison d’un congrès important, c’est ainsi qu’après deux bonnes heures de route d’un voyage éprouvant en raison de l’excitation de l’inconnu, il découvrait à son arrivée en « terre étrangère » celle qui se cachait derrière ses sulfureux échanges de courriels. Une libertine à la beauté du diable et à la crinière étalée sur le dos qui avait tout de la perfection d’une statue, mais aussi la froideur. Nue sous un collant de danseuse qui lui conférait l’air d’une bête précieuse et fantasque, Thomas était totalement subjugué par cette rousse au teint d’opaline et aux yeux mi-clos qui dissimulaient un regard d’ogresse, ne voyant rien d’autre que la ravageuse beauté de sa complice.
Plongé dans une ivresse sexuelle proche de l’aliénation, tout ce week-end Thomas n’avait quitté le lit de la ravageuse que pour mieux s’y replonger, expérimentant avec elle les profondeurs de ses fantasmes les plus osés, vivant l’épanchement de toutes ses ardeurs. Elle était l’Amour, il était le miroir! Et ô bonheur suprême, la passion de l’heureux homme était partagée en retour par sa complice. Pendue à son cou pour mieux l’emprisonner et le dévorer de baisers goulus, elle lui déclarait d’une voix languissante et avec un air de ravissement ineffable, que désormais elle ne vivrait plus que dans l’attente de le revoir, que sans sa présence à ses côtés, elle restait vide, béante, incomplète, informe. Sans le savoir, Thomas était désormais sur la pente de sa ruine.
En quelques mois de ce régime érotique torride, devenu l’ombre de lui-même tant au plan physique qu’au plan moral et appauvri de plusieurs milliers de dollars- pareille flamme ne pouvant demeurer allumée qu’avec une mèche confectionnée à partir de billets de banque sans cesse renouvelés- Thomas vivait des heures sombres à son foyer comme à son travail. Multipliant mensonge sur mensonge auprès de sa femme et de son employeur pour justifier ses absences de plus en plus fréquentes- sa coûteuse flamme lui rappelant sans cesse dans ses échanges de courriels brûlants à quel point « elle restait vide, béante, incomplète et informe » quand il n’était pas là pour partager sa couche-, Thomas avait même commencé à détourner des fonds des coffres de son employeur en trafiquant certaines données des livres comptables, afin de satisfaire son besoin inassouvissable d’argent.
Totalement inconscient que ce n’était qu’une question de temps dorénavant avant qu’il ne chute au plus profond du gouffre- d’époux fidèle et loyal qu’il était auparavant il était devenu un mari adultère, fourbe, menteur, hypocrite et voleur-, Thomas faisait la culbute définitive quelque temps après cela. Apprenant sa sulfureuse liaison entretenue à grands frais pour une bonne part avec les économies du couple, sa femme demandait le divorce. Une séparation qui lui coûtait sa maison et la plus grande partie du reste de ses avoirs, en raison de l’abondance de ses dettes à payer. Et cela, c’était sans compter les généreuses pensions alimentaires qu’il s’engageait à verser pour ses deux jeunes enfants, jusqu’à leur majorité.
Un malheur n’arrivant jamais seul, alors que Thomas était encore étendu au plancher, complètement knock-out, son employeur découvrait ses fraudes comptables. Mais comme son patron était du genre compréhensif, par égard pour la famille de Thomas, il passait un accord à l’amiable avec son employé, afin de lui éviter une dénonciation en justice. En échange, le fraudeur devait se départir de ses derniers biens pour rembourser les sommes d’argent détournées. Désormais le cercle de la roue était complété. Se retrouvant à la rue et sans emploi, Thomas ne pouvait pas chuter plus bas. Il pataugeait maintenant dans une misère et un dénuement semblables à ceux que Job avait connus dans la Bible.
Des mois plus tard, alors que le malheureux se questionnait sur la façon dont il en était arrivé à connaître pareille descente aux enfers, force lui était de reconnaître que tout cela avait commencé le jour où ses collègues de travail avaient fêté ses quarante ans. Sa sulfureuse « carte de bonne fête » avait été pour lui son cheval de Troie. Par elle, l’ennemi s’était introduit dans sa forteresse, puis l’avait lézardée jusqu’à sa chute!
« Lorsque l’esprit immonde sort de l’homme, il se met à parcourir les lieux arides en quête de repos et il n’en trouve point. Alors il se dit : Je vais retourner dans ma maison d’où je suis sorti. Il arrive et la trouve vide, bien propre, ornée. Alors il va prendre avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui, et ils rentrent et ils y font leur demeure. Et l’état final de cet homme est pire que le premier. » (Matthieu Chap. 25. Vers. 43-45)

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