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samedi 24 décembre 2011

La naissance du Christ : les bergers




         L’histoire du voyage à Bethléem de Joseph et de Marie est l’une de celles auxquelles le monde chrétien est le plus attaché. Comment ne pas se sentir ému par cette jeune femme enceinte, à quelques jours d’accoucher, mais choisissant quand même d’affronter les difficultés d’une longue marche de cinq jours, afin de se conformer à un édit de l’empereur romain Auguste César ordonnant à tous les habitants de Palestine de se faire recenser là où ils étaient nés.
            Le hic, c’est que les historiens ne connaissent qu’un seul recensement : en 6 apr. J.-C., alors que le consul romain Quirinius était gouverneur de Syrie. Le problème avec cette date, c’est que le roi Hérode était déjà mort depuis dix ans. Or, c’est pendant le règne de ce même Hérode le Grand que les évangélistes Luc et Matthieu placent la naissance de Jésus. S’agit-il d’une inexactitude dans le récit de Luc, ou bien s’il est possible que ce recensement ait pu parfaitement avoir lieu, mais jugé trop peu important aux yeux des historiens de l’immense Empire romain pour avoir été répertorié ?
La Palestine, hormis le fait d’être considérée comme le territoire le plus agité des trente provinces que comptait alors l’Empire, était bien peu de choses avec ses quelque 20 000 kilomètres carrés, au regard des cinq millions d’autres kilomètres que comptait l’ensemble de l’Empire. On était bien loin du centre du pouvoir. Et c’était une région particulièrement cosmopolite qui subissait de nombreuses influences étrangères du fait, entre autres, que Jérusalem était au cœur de la diaspora juive, et qu’on y affluait à chaque année par centaines de milliers des régions même les plus éloignées de l’Empire afin de participer aux trois grandes fêtes religieuses annuelles, tel qu’il était prescrit par Moïse aux enfants d’Israël. Du fait que ces recensements avaient pour fin utile de toujours faire rentrer plus d’argent dans les coffres de l’État, il n’est sans doute pas impossible que les gouverneurs de la Palestine eussent reçu pour consigne de César de recenser la population du pays plus souvent, en raison de la grande mobilité de ses populaces et de leur diversité.  
Quoi qu’il en soit, ce manque de rigueur est admissible, vu les circonstances dans lesquelles le Nouveau Testament a été écrit. L’exactitude historique était chose inconnue à cette époque. Pour les disciples de Jésus qui s’attachaient principalement à garder en mémoire le souvenir de son enseignement, seul comptait vraiment le message spirituel qu’il était venu livrer au monde.
Ceci dit, voyons maintenant ce que raconte Luc au sujet de la naissance de Jésus. L’évangéliste commence son récit par le recensement et le voyage de Nazareth à Bethléem. La route de Nazareth à Bethléem, route qui traversait entre autres Jérusalem, était généralement encombrée d’un fort trafic de caravanes, de marchands, de soldats en déplacement et de Juifs religieux se rendant au Temple. Selon la tradition, Marie entreprit ce voyage à dos d’âne, avec son mari Joseph marchant à ses côtés, sans doute de jour, en dépit du soleil torride, en raison des actes de brigandage qui posaient une menace permanente pour la police romaine, sur cette grande route reliant Jérusalem à l’Égypte.
Où nos deux voyageurs se reposaient-ils la nuit, on n’en sait rien, sinon que connaissant l’hospitalité traditionnelle des nomades, on peut supposer qu’ils trouvaient refuge au sein de l’un de leur campements. Nombre de bergers semi-nomades faisaient paître des troupeaux en bordure de cet axe qui s’étendait de la Galilée au Sinaï.
Au terme du cinquième jour de marche, Joseph et Marie sont en vue de Bethléem, ville natale des ancêtres de Joseph. À quoi ressemble donc cette petite Bethléem, appelée aussi Ephrata, du fait de la fertilité exceptionnelle de la région ? Elle est sise au sud de Jérusalem, à quelque huit kilomètres de ses murs, sur une arête basse mais abrupte, au milieu de collines rocailleuses entourées de prés verdoyants et de riches oliveraies. Mais à l’est, tout près, s’étend une région rude et sauvage descendant vers la mer Morte.
En raison de l’isolement des lieux, un caravansérail remontant à des temps immémoriaux et ressemblant à tous ceux qui bordaient les grands axes commerciaux de l’époque se dressait aux abords de cette route d’importance conduisant à l’Égypte, afin d’y prodiguer les services d’hôtellerie aux voyageurs fatigués. En plus de l’hébergement, ce caravansérail offrait une protection contre les brigands, du fait de son enceinte construite en pierre. Après une longue journée passée dans la chaleur et la poussière, les voyageurs pouvaient s’y désaltérer et donner à boire à leurs bêtes dans la grande cour centrale de l’auberge. Lieu d’accueil traditionnel, cette vaste cour entourée des bâtiments qui en dépendaient attirait marchands, pèlerins et voyageurs de toute espèce.
Luc nous dit, sans plus de commentaires, que pendant que Joseph et Marie étaient là, arriva le terme où la mère du Sauveur devait enfanter, et qu’il n’y avait pas de place à l’auberge. La vérité sur ce manque d’hospitalité restera à jamais inconnue, Luc n’en donnant pas les raisons. Mais peut-être, comme le pensent certains, que Joseph préférait tout simplement trouver refuge en milieu rural, afin d’épargner à sa femme en couches le désagrément d’une nuit passée dans la promiscuité bruyante des chameliers, des muletiers et de leurs nombreuses bêtes entravées.
Joseph et Marie finissent donc par trouver un endroit où se loger. On ne sait pas exactement à quel endroit, si ce n’est que c’est à Bethléem, ou à proximité. Était-ce une étable, une grotte ? Luc n’en précise rien. La seule indication qu’il nous donne, c’est qu’il y avait là une mangeoire pour les animaux domestiques : « Elle mit au monde son fils premier-né, qu’elle enserra de langes et coucha dans une crèche… »
Au cours des siècles s’est établie une tradition selon laquelle Jésus serait né dans une étable. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que les grottes habitables sont assez répandues dans les collines de la région. Et l’on sait encore qu’à l’époque, les bergers utilisaient ces abris naturels pour protéger leurs troupeaux de la pluie, du froid, ainsi que des prédateurs, du fait que les collines autour de Bethléem abritaient des ours, des léopards, des chacals et même parfois des hyènes. Pour faciliter l’alimentation de leurs bêtes, les bergers taillaient à même la roche calcaire une crèche, une mangeoire pour les bestiaux, dont certaines  existent toujours dans les collines de Bethléem.
Conclusion, à une époque où hommes et bétail vivaient pour ainsi dire ensemble- les maisons comprenaient généralement une partie surélevée d’environ cinquante centimètres pour le logement de la famille et une partie basse pour les animaux-, il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que des gens simples comme l’étaient Marie et Joseph eussent choisi de s’abriter dans une grotte généralement réservée aux troupeaux des bergers de la région. Marie bénéficia-t-elle par ailleurs de l’aide d’une sage-femme expérimentée pour l’aider lors de l’accouchement, comme le veut une tradition établie plus tard, Luc n’en dit rien.
Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’alors que Jésus dormait tout emmailloté de bandes de toile dans sa mangeoire sans doute garnie de paille, non loin de là, des bergers passaient la nuit dans les champs avec leurs troupeaux. La vie d’un berger n’était guère enviable, à vrai dire. Vivant perpétuellement au grand air et exposé de ce fait aux intempéries, au mauvais temps et aux rigueurs du climat, sans compter les fauves et les voleurs, cet homme valeureux risquait sa vie pour protéger son troupeau.
De nos jours encore, les bergers des collines de Judée utilisent un langage bien à eux pour se faire comprendre de leurs troupeaux. Un langage étrange auquel obéissent leurs bêtes. Et ce rapport de confiance entre le berger et ses moutons n’a pas changé au cours des siècles. Il reste toujours aussi particulier. Si bien que le pasteur connaît l’ensemble de ses brebis par leur nom. De même, celles-ci reconnaissent entre toutes la voix de leur maître.
Jésus va prendre pour modèle ces modestes bergers au cours de son ministère. « Je suis  le  bon berger, dira-t-il. De même que le Père me connaît et que je connais le Père, de même je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. Et je donne ma vie pour mes brebis. » Ces valeureux gardiens de troupeaux sont aux champs avec leurs moutons, la nuit de la Nativité, nous raconte Luc. Un ange du Seigneur apparaît devant un groupe d’entre eux, les entourant d’une clarté intense. « N’ayez pas peur, leur dit le visiteur céleste. Cette nuit il est vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. » À souligner ici que « Christ » est la traduction du mot hébreu mashiah, mot désignant le « roi qui doit venir ». Et l’ange de préciser aux bergers qu’ils doivent « chercher un bébé enveloppé de langes et couché dans une crèche ». Ce sera le signe de reconnaissance. Au même moment se fait entendre un chant céleste « louant la gloire de Dieu dans les cieux très hauts, et accordant sa paix sur terre aux hommes de bonne volonté. »
Aussitôt le messager céleste disparu, les bergers se mettent en frais de découvrir au plus vite ce mystérieux nouveau-né que l’ange leur a annoncé comme étant le Sauveur promis au monde. À la vue de Marie, de Joseph et du nouveau-né dans la crèche, l’étonnement des bergers ne fait qu’augmenter : ils n’ont pas été l’objet d’une hallucination. Et après s’être prosterné humblement devant l’enfant, ils se hâtent de répandre la prodigieuse nouvelle dans la campagne environnante, provoquant partout l’émerveillement de leurs auditeurs.
Mais cet événement sans précédent devait passer inaperçu dans le royaume de Juda, et cela même si de nombreux Juifs opprimés attendaient depuis toujours la venue de ce Rédempteur avec ferveur. De fait, il n’y eut que peu de gens à être mis au fait de cette prodigieuse nouvelle qui avait circulé principalement en milieu pastoral. Et pour cause : comment la parole de quelques malheureux gardiens de troupeaux de cette petite Bethléem de Juda aurait-elle pu avoir quelque crédibilité auprès de la prétentieuse caste religieuse  de Jérusalem ? Le prophète Michée avait bien prédit que le Messie viendrait de Bethléem, mais qui s’en formalisait au sein du peuple? Et même si cela n’avait pas été le cas, qui aurait accordé foi à pareille annonce de la naissance d’un Roi des rois reposant dans la mangeoire d’une grotte servant de refuge à des troupeaux d’ovins ?
Le prophète Ésaïe, en son temps, n’avait-il pas livré aux siens une vision bien différente de l’apparition de ce souverain Monarque, marquant par son arrivée la fin de la longue attente messianique? «  Voici en effet le Seigneur : il arrive dans un feu, ses chars sont comme l’ouragan. Rempli d’indignation, il vient exercer sa colère et réaliser sa menace dans un bouquet de flammes ! »
En définitive, il y eut si peu de gens à être mis au fait de cette nouvelle et lui accorder quelque créance, qu’elle échappa totalement aux autorités juives. Il faudra attendre l’arrivée des mages, quelque deux ans plus tard, pour que cette annonce de la naissance du Souverain d’Israël provoque des remous dans les hautes sphères du pouvoir religieux et politique. Mais non pas pour se réjouir de cette nouvelle, mais bien plutôt pour s’en inquiéter !

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