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samedi 14 janvier 2012

Le « Code divin »





L’hiver était bien installé avec la venue de janvier. Une épaisse couche de neige couvrait déjà sous un linceul uniforme les inégalités du terrain. Si bien que le grand-père et son petit-fils avaient dû chausser des raquettes pour grimper jusqu’au vieux chalet familial perché en pleine montagne. Une ascension de près de quarante-cinq minutes qui leur avait demandé un effort soutenu, du fait que chacun des deux hommes portait un lourd sac à dos rempli de provisions de bouche et de vêtements de rechange. Mais à présent, ils étaient là dans cette cabane de bois rond, à savourer l’intimité de sa salle basse toute boisée, avec ce feu d’érable qui flambait dans l’âtre de pierre à la gueule noircie par des années de combustion de bûches de bois.
Sitôt arrivé au chalet, le vieil homme s’était empressé de faire du feu dans la cheminée, en raison du froid pénétrant qui avait envahi le modeste refuge de montagne après des semaines d’inoccupation. Puis, il avait déballé les provisions et préparé le repas du midi, des œufs sur le plat accompagnés de fèves au lard, de jambon et de saucisses que le grand-père et son petit-fils avaient mangé gravement en parlant de tout et de rien, sous l’éclairage d’une vieille lampe à l’huile suspendue à une poutre du plafond qui baignait la pièce d’une lumière douce.
Ce n’était qu’au milieu de l’après-midi, quand la chaleur bienfaisante avait fini par se répandre sous les poutres noircies du plafond, que les deux hommes qui avaient un peu rêvassé et partagé leurs rêveries en regardant le feu en étaient venu à aborder le sujet de leur rencontre dans ce refuge perdu à l’atmosphère intimiste où il faisait si bon de s’abandonner à la mollesse de leur hivernement. C’était le garçon qui avait amorcé la discussion qui allait suivre :
-- Lors de notre dernière rencontre dans ce chalet, grand-p’pa, tu m’avais donné à entendre, au moment de retourner à la maison, que quand on reviendrait ici, t’aurais une petite énigme à me proposer, tu t’en souviens ?
-- Le « Code divin » ! Je me demandais si t’allais t’en rappeler… T’es intéressé à ce qu’on en jase ?
-- Ben oui, ça pique ma curiosité. Surtout que tu m’avais bien spécifié qu’il ne fallait pas le confondre avec le « Code Da Vinci… »
-- Oh ! que non… De toute façon, tu vas vite réaliser que ces deux codes n’ont rien en commun… Le Dieu qui habite les profondeurs de l’homme lui a fait don, tu le sais, d’un état de conscience, d’éveil et de paix vers lequel l’infinité de ses aspirations ne cesse de porter ses désirs…Une chose dont je suis sûr, c’est que quelque chose en nous sait Dieu. Saint Augustin disait, fort à propos, que « l’homme est un être constitutivement orienté vers Dieu, vers l’Infini et l’Éternel. S’il s’agite sans répit, c’est qu’il est insatisfait des expériences éphémères auxquelles si souvent il s’abandonne. »
-- Quelque chose en nous sait Dieu ? répéta le petit-fils, l’air incrédule, avec une interrogation marquée dans le regard.  
-- Je t’ai dit l’autre jour que si Dieu pouvait donner l’impression de se cacher, c’est peut-être bien parce que nous ne le cherchons plus… Notre vie n’a pourtant de sens que dans cette quête, que dans cette recherche de Vérité, Dieu étant le fondement du vrai… « Cherchez et vous trouverez », a dit Jésus…Et si on cherche, en bout de ligne, c’est parce qu’on a déjà trouvé, non..? On ne peut désirer que ce que l’on connaît déjà, sinon d’où viendrait l’idée de le désirer..? D’où mon affirmation que quelque chose en nous connaît Dieu… Et aussi longtemps qu’on retarde cette quête de vérité, on vit dans une espèce d’état d’insatisfaction plus ou moins conscient, où chacun cherche à tâtons l’état de bien-être intérieur susceptible de mettre fin à ses tourments existentiels… Parce qu’il ne faut pas se le cacher, jeune homme, personne n’est vraiment heureux en ce monde…Oh ! on connaît bien par moments des petits bonheurs par ci par là, mais très vite on désenchante, avalés par la lourdeur de notre quotidien respectif.
-- C’est pour ça qu’il y aurait tant de suicides…
-- Tant de suicides, d’abus d’alcool, de drogue, de médicaments tranquillisants, de sexe et de plaisirs tout aussi éphémères que vite consommés et qui, pour notre malheur, nous laissent perpétuellement dans un état de manque…Si nous vivons pareil état d’insatisfaction- et ce mal de vivre est propre à tout homme de ce monde-, c’est peut-être qu’à quelque part en nous, quelque chose a conservé une nostalgie d’un ailleurs de félicité sur lequel il nous est impossible de mettre des mots…
--  Je ne te suis plus, grand-p’pa… Ça pourrait ressembler à quoi cet ailleurs-là..? À une vie antérieure ?
-- C’est une hypothèse, mon garçon, rien de plus. Mais peut-être qu’il y aurait en nous des réminiscences d’un certain paradis perdu… « Ô mon Dieu, qu’étais-je avant d’être conçu ? Avais-je quelque être, et étais-je quelque part ? » Saint Augustin, tu te rappelles..? Si nous ne sommes pas heureux, c’est peut-être parce que nous avons connu autre chose auparavant, ou que quelque chose en nous cherche à remonter la source de la Vie qui bat en nous… C’est une interrogation qui est propre aux mystiques. Mais cette quête de vérité ne revêt aucune forme. Elle est de l’ordre des choses invisibles… Et peu d’hommes peuvent en faire l’expérience… Elle n’est exprimable dans aucune langue… Je vais risquer cette autre image pour mieux te faire comprendre mon propos : c’est comme si quelque chose en nous était capable d’entrer en harmonie intime avec Dieu, mais que ce quelque chose serait si rapetissé, si méconnaissable depuis le temps que la vie moderne a oblitéré notre sens religieux, que nous n’en percevrions plus qu’une faible pulsion, et encore, de façon purement inconsciente… Pourtant cette soif d’élévation de notre esprit vers cet Être absolu, source de toute vie et auquel la mystique chrétienne a donné le nom de Dieu, est toujours là en nous, et c’est elle qui nous aiguillonne face l’absurdité de nos existences hors du jeu divin, hors de Dieu… Mais si tu veux, jeune homme, on gardera ce sujet pour plus tard. Il y a tellement à en dire, qu’on pourrait en discuter longtemps… Pour l’instant, revenons au « Code divin ».
-- C’est quoi ce code ? s’enquérit le garçon avec une moue empreinte d’un scepticisme marqué. Une réponse à tout cela?
-- Le « Code divin » ce n’est pas une réponse, mais peut-être la clef susceptible de nous conduire à un début de réponse… Il y a deux mille ans, un mystérieux Messager du Ciel venait annoncer aux hommes que le vieux monde était désormais derrière eux, que son temps était accompli. Désormais l’homme allait délaisser les temples de pierre et adorer en esprit… « Je suis le chemin, la vérité, la vie, proclamait-il. Celui qui me suit a la vie éternelle. » Malheureusement, pour nombre d’hommes d’aujourd’hui, ces paroles de vie ne veulent plus rien dire, parce qu’ils ignorent tout de Celui qui en prodigua son enseignement de feu.
-- Cet homme, c’est Jésus ?
-- Mais oui. Personne n’a jamais tenu pareil discours et parlé avec une pareille autorité… Si bien qu’à l’époque, si certains voyaient en lui le Messie promis aux hommes, d’autres le percevaient comme un faux prophète, et même comme un fou… Le Christ est le grand révélateur de ce à quoi l’homme peut parvenir s’il se laisse pénétrer par cette conscience grandissante de la présence agissante de son Dieu en lui. Il est le Guide suprême qui cherche à nous éveiller à son propre état de conscience… Il incarne la Vie et l’Amour en plénitude. Ses paroles d’espérance et de consolation nous conduisent à cette Intuition qu’il y a en nous un soleil qui ne se couche jamais, un état d’éveil et de paix vers lequel notre infini désir ne cesse d’aspirer pour parvenir enfin à sa plénitude… Cette Intuition qui est de l’ordre de la Révélation est celle qui ouvre notre esprit à l’itinéraire initiatique de l’homme. Un itinéraire auquel j’ai donné le nom de « Code divin », pour piquer ta curiosité…
-- Mais cet itinéraire est de Jésus, c’est cela ?
-- D’une certaine manière, oui. Parce qu’il disait : « Celui qui cherche trouvera. À celui qui frappe de l’intérieur, on ouvrira… » Je te livre les cinq grandes étapes initiatiques  de ce code… La première, c’est la quête, la recherche… La seconde, c’est la découverte, le dévoilement, la divulgation… La troisième, c’est l’émotion et la perturbation que produisent cette découverte… La quatrième, c’est le choc, l’ébranlement moral, l’émerveillement…Enfin, la cinquième étape, c’est la révélation en soi du « Dieu caché », l’illumination, la conscience de sa présence, de son omniprésence en toute chose… L’énigme que je te propose est la suivante : quel autre mot que celui de « Révélation » pourrait englober le mieux les cinq étapes de ce « Code divin »..? Ce mot en est en quelque sorte l’essence même…
-- Ouf ! vite comme ça, grand-p’pa, je pourrais pas dire… La connaissance..? La conscience..? (Voyant que son grand-père ne réagissait pas, le garçon poursuivit :) Tu sais, moi, tout ce qui se rapporte à Dieu, je commence seulement à croire que ça pourrait avoir un sens…
-- Ne t’inquiète pas, jeune homme, je ne m’attendais pas à ce que tu trouves la réponse du premier coup… Ce que je te propose, pendant que tu vas chercher, c’est qu’on regarde ensemble, un peu plus en détails, ce qu’implique chacune des cinq étapes de cet itinéraire initiatique… La première, la recherche, peut difficilement s’accomplir sans un minimum d’amour et de désir, au préalable… Si tu voyages, tu n’iras pas dans un pays que tu n’aimes pas. Ou, à tout le moins, tu seras intrigué par ce pays… C’est la même chose pour Dieu. Si tu en as rejeté l’amour et le désir tellement loin que tu ignores la dernière fois que tu as prononcé son nom, tu n’auras guère le goût de te mettre à sa recherche… On peut vivre sans Dieu, sans amour, des millions d’hommes le rejettent comme principe d’explication du monde, mais à quoi bon..? Cela leur apporte-il l’illumination intérieure, la paix de l’âme..? Cela met-il fin à leurs tourments, à leur mal de vivre..? À l’instant où ne cherchons plus Dieu, pourquoi se révélerait-il à nous..? Si tu te désintéresses de ta famille au point de ne pas prendre de ses nouvelles pendant des années, peux-tu lui reprocher son silence ?
-- Mais comment avoir ce désir de Dieu quand on ne l’a pas ?
-- Une petite prière toute simple, du genre, disons : « Mon Dieu, donne-moi le goût de te chercher… »
-- Et tu crois que ça va marcher ?
-- Si ta prière est sincère, je n’ai aucun doute. Progressivement, tu vas sentir naître le désir de cette quête de Dieu en toi… Et puis un jour, tu trouveras, t’auras un début de réponse à ton questionnement… C’est la deuxième étape… Cette réponse sera pour toi seul… Même qu’elle sera si personnelle que tu seras tout à faire incapable d’en faire partager l’expérience  aux autres… Mais tu devras toujours demeurer en quête, parce que celle-ci te fera découvrir sans cesse de nouvelles profondeurs à ce que tu auras commencé à découvrir… Tu passeras alors à la troisième étape de ton itinéraire initiatique : le trouble et le bouleversement que susciteront en toi cette conscience d’un Dieu présence et révélation… Une fois que s’éveillera cette nouvelle conscience de la présence du Dieu Être en toi, tu réaliseras que cette conscience nouvelle est d’un autre ordre, de l’ordre non plus du créé mais de l’incréé… Il te faudra un regard neuf pour cela, car on ne peut rien voir si on ne sait pas ouvrir les yeux… Tu devras apprendre à voir toute chose avec le regard du cœur, et plus tu cultiveras ce nouveau regard, plus ton trouble et ton bouleversement grandiront devant ce qui te sera révélé… Dans le même temps, tu sentiras que tu dois t’effacer devant le rayonnement de cette ultime Présence en toi… Tu devras lui laisser toute la place pour qu’elle croisse toujours plus… On ne fait pas étalage de son ego sous le regard de Dieu. Le Ciel est d’une autre nature… Et si jamais il t’arrivait de penser un jour que tu es en voie d’arriver au sommet de ta connaissance, sache que tu en seras encore bien loin de sa cime… Je te sens ébranler, mon garçon… Je le vois au regard effaré que tu me jettes par instant… Ça t’effraie tout cela ?
-- Ben, je trouve ça compliqué…
-- Rassure-toi, ça ne l’est pas… Ce sont les hommes qui compliquent tout par leur prétention à croire qu’ils peuvent rejeter Dieu de leur vie et se suffirent à eux-mêmes, alors qu’ils errent au désert depuis des siècles…Les ténèbres n’apparaissent-ils pas à l’instant où la lumière disparaît..? Mais ça aussi, c’est un autre sujet. Voyons plutôt ce que nous apporte la quatrième étape de notre protocole initiatique : l’étonnement, l’émerveillement devant ce qui nous est révélé… Les philosophes des temps passés voyaient dans l’étonnement et l’émerveillement le commencement de la Sagesse… Einstein, plus près de nous, aura cette réflexion qui mérite qu’on s’y attarde : « Il n’y a que les imbéciles qui ne s’émerveillent pas »… Peut être qu’à force de vivre dans les ténèbres, enfermés en nous-mêmes, fermés aux autres, sans guide, sans repère, sans espérance, nous avons perdu quelque peu ce sens de l’émerveillement… Et notre tendance à la dépression et au désespoir face aux difficultés de notre vie ne facilite certainement pas ce regard neuf sur la découverte et le merveilleux… Einstein avait compris qu’il y avait un rapport entre l’homme et l’Univers, qu’une mystérieuse correspondance les unissait dans leur prodigieuse complexité d’être, comme si les deux étaient animés d’une même Conscience, tant il avait fallu d’Intelligence créatrice à leur apparition…
-- D’où venons-nous, qui sommes-nous et où allons-nous ? dit le petit-fils sur un ton dénué de conviction, tant il semblait toujours dépassé par la tournure qu’avait pris son échange avec son grand-père.
-- Tu tombes juste à point, jeune homme, j’y arrive justement… Dieu donne à chacun en fonction de son niveau de conscience, de son niveau d’éveil et de réceptivité… C’est la cinquième étape, la révélation en soi du Dieu caché…L’homme prend conscience qu’il forme un tout avec la Création, que sa vie découle du même Souffle, de la même Énergie qui anime toute chose… Cet homme connaît enfin le repos et la plénitude qu’il a tant cherchés. Il vit en quelque sorte dans une dimension au-delà du temps… Ce jour de la Révélation, cette troublante énigme qui hante l’esprit des hommes depuis toujours, ce mystérieux « d’où venons-nous, qui sommes-nous, et où allons-nous ? » il en connaît enfin la réponse, même si aucun mot ne pourra jamais arriver à traduire cette expérience mystique personnelle à chacun de nous.  Mais si on lui demandait d’essayer quand même de se prêter à l’exercice de verbaliser cette expérience, cet homme pourrait proclamer : « Je viens de la Lumière, je suis Lumière, et je retourne à la Lumière ! »
-- Je pense alors avoir trouvé la réponse à ton énigme, grand-p’pa… Le mot clef du « Code divin », c’est la « lumière », dit le garçon tout d’un trait, la mine rayonnante.
-- Bravo, jeune homme, c’est bien ça. Tu vois, c’était pas si difficile, finalement… Pour clore le sujet, je te propose cette petite prière que j’ai apportée de la maison…
Le vieil homme mit la main dans la poche extérieure de son sac à dos et en ressortit un bout de papier soigneusement scellé dans un étui plastifié transparent.
-- Tu veux la lire ou je m’en charge ? dit-il.
-- Je préfère que ce soit toi.
-- Elle est de Johann Schleffer, qui prit le nom d’Angelus Silésius… Je ne sais rien
d’autre sur et homme… Une prière qu’Einstein aurait sûrement aimée… Ça se lit comme suit: « Ô mon Créateur et mon Dieu, à ta Lumière je reconnais de quelle façon admirable je suis fait. Je suis fait de l’Univers, et l’Univers est en moi. Je suis fais de Toi et je reste en Toi, et Toi en moi. Je suis issu de l’Univers, l’Univers me porte en soi, m’enveloppe et je porte en moi l’Univers et j’embrasse l’Univers. Je suis son enfant et son fils, et il est devenu ce que je suis et je suis devenu ce qu’il est : puisque tout ce qui vit dans l’immensité de l’Univers vit aussi spirituellement, c’est ainsi que je suis un avec lui et que je ne pourrais être sans lui. Il doit me substanter, me nourrir et me maintenir en ce qu’il me faut pour ma vie mortelle. Ainsi, Seigneur, tu m’as créé à ton Image et tu me donnes l’esprit : tu es en moi et je suis en Toi, et sans Toi je ne peux vivre un seul instant. Tout cela je le vois en Toi et Toi en moi, car tes Yeux sont mes yeux et ma connaissance est ta Connaissance, mes yeux voient ce que tu veux et non ce que je veux. Tu te connais et te vois à travers moi, c'est-à-dire à travers Toi, et de là ma béatitude. En vérité, c’est à ta Lumière que je vois la lumière !
            -- Quelque chose à rajouter, mon garçon, dit le grand-père après une pause, tout en se calant au fond de sa berceuse.
-- Peut-être la phrase d’Einstein que tu m’as dite l’autre jour, répondit-il dans un timide haussement d’épaule : « L’univers est la conscience de Dieu … »
-- Pourquoi pas..?
-- Comme quoi le spirituel et l’astrophysique ont peut-être plus de quoi en commun qu’on le pense !


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